Las Vegas subit une fusillade meutrière

Les États-Unis ont vécu dimanche soir la pire tuerie de leur histoire moderne. Avec au moins 59 morts et 527 blessés au moment d’écrire ces lignes, le bilan de la fusillade de Las Vegas dépasse celui de l’attentat perpétré dans une discothèque d’Orlando, qui avait fait 49 morts en juin 2016.
La tragédie s’est déroulée vers 22 h, heure locale, pendant une performance du chanteur Jason Aldean dans le cadre du festival de musique country Route 91 Harvest. Plus de 22 000 personnes se trouvaient dans la foule.
L’auteur de la fusillade, Stephen Paddock, s’était installé avec son arsenal imposant au 32e étage de l’hôtel Mandalay Bay, un établissement offrant une vue dégagée sur les festivités qui battaient leur plein de l’autre côté du Las Vegas Boulevard.
Les premiers tirs ont retenti vers 22 h 08. La panique a alors saisi la foule. De longues et terribles rafales sont audibles dans les innombrables vidéos qui ont été diffusées sur les réseaux sociaux lundi, dans lesquelles on peut voir des gens tenter de s’échapper, se coucher au sol ou essayer de protéger leurs proches.
« Nous ne savions pas d’où venaient les tirs, donc on courait sans savoir où aller », a raconté Ralph Rodriguez, un consultant informatique venu de Los Angeles pour le festival.
Robert Hayes, un pompier de Los Angeles qui assistait au concert, a décrit sur Fox News une « scène de guerre ».
Une infirmière, un pêcheur, une enseignante… L’identité de quelques victimes a été divulguée lundi en soirée. Parmi elles, on compte deux Canadiens : Jessica Klymchuk, une Albertaine mère de quatre enfants, et Jordan MacIldoon, un jeune homme de 23 ans originaire de la Colombie-Britannique. Comme plusieurs autres de leurs compatriotes, ils étaient en vacances dans la capitale du jeu et du divertissement, destination très prisée des touristes. D’autres Canadiens ont également été blessés.
La piste djihadiste écartée
Après le carnage, le tueur, un Américain de 64 ans, s’est enlevé la vie dans sa chambre d’hôtel. Vingt-quatre heures plus tard, on ne connaissait toujours pas ses motivations.
Le groupe armé État islamique (EI) a revendiqué la tuerie, disant que l’homme s’était converti à l’islam et qu’il en était un « soldat ». Washington a rapidement écarté cette piste. Le FBI a déclaré n’avoir établi « aucun lien à ce stade avec un groupe terroriste international ». Le shérif de Las Vegas, Joseph Lombardo, a pour sa part qualifié le tueur de « loup solitaire ».
En soirée lundi, les enquêteurs ont compté au moins 17 armes à feu dans la chambre d’hôtel de Paddock. Quelque 18 fusils, des explosifs et des milliers de munitions ont aussi été trouvés dans la résidence du tueur. Ce dernier est arrivé au Mandalay Bay le 28 septembre et y a apporté lui-même les armes sans que le personnel de l’hôtel n’ait rien remarqué, a précisé le shérif.
L’assaillant, un comptable à la retraite, vivait à Mesquite, à environ 120 kilomètres de Las Vegas, dans le Nevada. Il se rendait souvent à Las Vegas pour jouer, selon ses voisins. Son frère, Eric Paddock, a affirmé qu’il n’avait « pas d’affiliation religieuse ou politique » et « n’était pas du tout un amateur d’armes ».
Stephen Paddock n’avait jamais eu affaire avec la police, ce qui n’était pas le cas de son père, Patrick Benjamin Paddock, un braqueur de banques placé sur la liste des fugitifs les plus recherchés par le FBI dans les années 1960. Un père absent, selon Eric Paddock.
Trump appelle à l’unité

Le président américain, Donald Trump, a qualifié l’attaque de « mal absolu » lundi. Dans un discours prononcé à la Maison-Blanche, il a appelé les citoyens à l’unité, tout en évitant de parler d’accès aux armes à feu et de terrorisme.
« Notre unité ne peut pas être brisée par le mal, nos liens ne peuvent pas être défaits par la violence et, bien que nous ressentions de la colère face à l’assassinat insensé de nos compatriotes, c’est l’amour qui nous définit aujourd’hui », a-t-il déclaré d’un ton grave.
Lui et la première dame, Melania Trump, ont ensuite observé une minute de silence en après-midi. Le président se rendra à Las Vegas mercredi.
Selon le chercheur à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, Rafael Jacob, cette tragédie survient après une semaine mouvementée pour le président, notamment marquée par les critiques de sa gestion de la crise à Porto Rico après le passage de l’ouragan Maria et sa croisade contre le « manque de respect » envers le drapeau américain des athlètes de la NFL. « Quand il y a une tragédie nationale très forte, le tout premier rôle du président est d’unir le pays. Présentement, il n’est vraiment pas dans une bonne position pour unir », soutient M. Jacob.
Le président perd des plumes dans l’opinion publique et ses paroles à la suite de la fusillade, bien que rassembleuses et « présidentielles », risquent d’avoir peu d’impact sur sa cote de popularité. « Après les ouragans Harvey et Irma, son taux d’approbation générale a grimpé, mais très peu, alors qu’il a quand même bien géré ces deux crises majeures », observe le chercheur.
Retour du débat sur les armes
Cette fusillade relance une fois de plus le débat sur le contrôle des armes à feu, sujet épineux aux États-Unis. Face aux « pensées et prières » lancées par les élus, notamment républicains, les démocrates ont exigé que le Congrès agisse, enfin, pour resserrer l’accès aux armes à feu. La Maison-Blanche a répondu que ce débat était « prématuré » à ce stade préliminaire des investigations.
« Ce dialogue de sourds revient à chaque fusillade, déplore Rafael Jacob. C’est comme une cassette qui se répète et chaque fois, rien ne change. »
Et il serait très étonnant que ça change avec le « champion du deuxième amendement » à la tête du pays, estime le chercheur. M. Trump est soutenu depuis le début de sa campagne par le plus grand lobby des armes à feu aux États-Unis, la National Rifle Association (NRA).
Solidarité locale et internationale
La mairesse de Las Vegas, Carolyn Goodman, a invité ses concitoyens à aller donner du sang lundi pour venir en aide aux blessés. Son appel a été entendu haut et fort par des milliers de résidants qui ont fait la file devant des cliniques.
Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré avoir « le coeur brisé ». « Nous partageons la douleur et l’horreur de la population américaine face à cet acte de violence lâche et insensé », a-t-il affirmé dans une déclaration écrite.
Sur Twitter, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a exprimé ses « pensées pour [les] victimes et [leurs] proches ». Idem pour le maire de Montréal, Denis Coderre, qui a qualifié la tuerie d’« ineptie barbare ».
Le pape François a quant à lui déclaré qu’il était « profondément attristé » par cette « tragédie dénuée de sens ».
Spectacle annulé
Le Cirque du Soleil a annulé tous ses spectacles à Las Vegas lundi, dont ceux du Blue Man Group. L’entreprise confirmera mardi ses prochaines décisions. « Las Vegas, c’est notre deuxième maison », a déclaré l’attaché de presse Steven Ross au Devoir rappelant que des centaines d’employés du Cirque y vivent. Aucun d’entre eux ne figurait parmi les victimes ou les blessés en fin de journée lundi.