«Les femmes doivent oser entreprendre!»

Ce texte fait partie du cahier spécial Francophonie
Au Québec comme dans la région d’Auvergne-Rhône-Alpes, il n’y a pas assez d’entrepreneures dans les instances. Malgré certaines améliorations, l’équilibre entre la vie personnelle et la réussite professionnelle reste difficile à atteindre, et de nombreuses femmes n’osent pas se lancer dans l’entrepreneuriat.
Pour toutes ces raisons, les Entretiens Jacques Cartier, en collaboration avec les Réseaux féminins isérois, proposent un échange sur les « femmes d’affaires au quotidien, réseautage, présence dans les instances et développement des entreprises », le 21 novembre à l’Institut polytechnique de Grenoble. Un événement lors duquel onze personnalités québécoises et françaises seront présentes pour échanger et s’enrichir des bonnes pratiques de chacune.
« Ce que la majorité des gens ne savent pas, c’est que, mondialement, les femmes entrepreneures représentent seulement 1 % du marché », lance Ruth Vachon, présidente-directrice générale du Réseau des femmes d’affaires du Québec (RFAQ). Pour elle, dans la province et dans le monde, la place des femmes dans les instances est insuffisante.
Même son de cloche du côté français. Cécile Prost, dirigeante d’ABC projets, une société française spécialisée dans la communication relationnelle d’entreprise qu’elle a elle-même créée, pense qu’il reste encore du chemin à faire pour atteindre la parité. « Un des problèmes, c’est que les femmes doutent, elles imaginent que ce n’est pas pour elles, qu’elles n’ont pas les compétences, note Mme Prost. Si la femme n’est pas persuadée d’y arriver, c’est encore plus difficile. »
Pour prendre confiance, les femmes ont besoin de s’identifier à quelqu’un qui les inspire. « Malheureusement, on a moins de modèles à mettre sur la place publique, car pour une femme, aller se mettre en tribune, c’est presque impossible », déplore pour sa part Mme Vachon. Les femmes, plus réservées, ont du mal à accepter de se mettre en avant et de montrer leur réussite. C’est pourquoi, depuis 2001, le prix Femmes d’affaires du Québec, dont la dernière édition a eu lieu le 10 novembre, récompense celles qui se distinguent dans le monde des affaires.
Un réseau à construire
Permettre aux femmes de se créer un réseau est une des missions du RFAQ. « Quand on est seule, on peut être portée à voir sa petitesse, alors qu’ensemble, on peut voir sa grandeur », fait valoir Mme Vachon, en ajoutant qu’elle conseille toujours aux femmes de venir chercher de la confiance au Réseau, pour être ensuite meilleures ailleurs. « Nous devons nous aider, collaborer, nous donner confiance, prospérer ensemble », ajoute-t-elle. Pourtant, malgré l’importance du réseau dans la réussite professionnelle, pour une femme, sortir faire du réseautage ne fait presque jamais partie de ses priorités. Le Réseau multiplie chaque année les occasions de rencontres et d’échanges, tout en accompagnant les femmes dans leur démarche, pour les pousser à revenir. Mme Vachon constate que de plus en plus, les Québécoises acceptent de participer à ces événements et prennent le temps de construire leur réseau.
De son côté, Mme Prost souffle que le Québec est en avance sur la façon de faire du réseautage au féminin et attend beaucoup de l’échange qui va avoir lieu dans le cadre des Entretiens Jacques Cartier. « Les Françaises ne sont pas très à l’aise avec la façon de faire du réseau », pense-t-elle. Toutefois, plusieurs organismes français tentent aujourd’hui de faciliter cette approche. Elle cite le Réseau entreprendre Isère au féminin, qui tente de s’adapter aux besoins des femmes en proposant du covoiturage, des événements le matin ou le midi et de l’accompagnement.
Trouver l’équilibre
« Je suis de celles qui défendent l’équilibre, car, oui, le travail, c’est important, mais au-delà, il y a une vie », plaide Mme Vachon. Celle qui a 30 ans de « vécu » en entrepreneuriat note qu’au Québec, des progrès pour offrir l’équilibre travail-famille aux femmes sont existants. La répartition des tâches dans un couple, la possibilité de faire du télétravail ou d’avoir des congés parentaux sont des avancées qui permettent aux femmes d’oser se lancer en affaire. De plus, le sujet est très présent actuellement, encore plus pour les nouvelles générations, pour qui l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle est un élément essentiel.
Cécile Prost parle d’un cercle vicieux. « À partir du moment où on décide de faire des enfants, ça devient difficile », explique-t-elle. Les solutions de télétravail restent encore très timides et une femme qui va avoir ou qui a des enfants est encore perçue comme moins rentable qu’un homme et se verra confier des missions moins intéressantes. « Et puisque les femmes sont moins bien payées que les hommes, c’est souvent elles qui vont arrêter de travailler pour s’occuper des enfants », explique Mme Prost, faisant référence au mouvement 7 novembre 16 h 34, date et heure à partir desquelles les Françaises travailleront « bénévolement » jusqu’à la fin de l’année, compte tenu des différences de salaire entre les sexes. Pour elle, trop souvent, les femmes vont se freiner et avoir des projets moins ambitieux, car elles savent qu’elles n’auront pas beaucoup de temps pour les concrétiser.
Mme Prost a choisi la solution de l’autoentrepreneuriat. Pour elle, il s’agissait de la meilleure façon d’allier travail et vie de famille, sans faire trop de concessions. « L’essentiel est de savoir où on met les curseurs », lance-t-elle. Malgré la pression constante du chiffre d’affaires, la possibilité d’avoir vu ses enfants grandir et d’avoir pu composer avec les aléas liés à la vie de mère lui a permis de s’épanouir pleinement.
« La situation des femmes dépend aussi des femmes, avoue Mme Prost. Si on attend qu’il se passe quelque chose, on va attendre longtemps, notre situation peut évoluer si nous la prenons en main. » Un point de vue partagé par la présidente-directrice générale du RFAQ. « Les femmes doivent oser entreprendre leur vie et ne pas la subir », conclut Mme Prost.
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