Haïti - Panique après le retour d'une ancienne milice d'extrême droite

Port-au-Prince - Haïti a connu hier une nouvelle journée de violences après l'entrée en scène du chef d'une ancienne milice d'extrême droite aux côtés d'une rébellion qui a juré de renverser le président Jean-Bertrand Aristide.
Face à cette nouvelle menace, des partisans du gouvernement ont dressé des barricades et incendié une station-service de Port-au-Prince tandis qu'un vent de panique s'emparait de l'île.L'apparition de Louis-Jodel Chamblain, chef de la milice paramilitaire du FRAPH (Front révolutionnaire pour l'avancement et le progrès haïtiens), au service de l'ancien dictateur Raoul Cedras au pouvoir de 1991 à 1994, a donné une nouvelle dimension à un mouvement jusqu'ici désorganisé.
Venus parfois de la République dominicaine voisine, les insurgés contrôlent depuis lundi Hinche, dans le centre-est du pays. Le président dominicain, Hipolito Mejia, a reconnu qu'il était difficile pour son pays de contrôler la frontière avec Haïti. Il a précisé que les opposants ne pourront plus revenir en République dominicaine.
Au cours des derniers jours, la police a déserté plusieurs villes par crainte d'attaques d'insurgés armés. Les localités concernées sont Maïssade, Belladère, Thomonde, Pandiassou et Savanette, où les insurgés, très armés et mobiles avec des véhicules tout-terrains de fabrication récente, font des incursions sporadiques.
«Aristide va-t-il négocier son départ avec Chamblain ou avec nous?», s'est interrogé Charles Baker, le chef de file de l'opposition légaliste, qui a récusé la rébellion tout en écartant l'idée de traiter avec les autorités avant la démission du chef de l'État.
La ville portuaire de Saint-Marc, à mi-chemin entre Port-au-Prince et les Gonaïves, berceau de l'insurrection dans le Nord, a été bouclée mardi soir par des miliciens déterminés à la défendre contre les insurgés, a fait savoir un photographe de Reuters sur place.
Appel à l'aide
Dans la capitale, des hommes armés ont ouvert le feu sur une station-service jusqu'à provoquer un incendie, mettant à exécution les menaces proférées il y a quelques jours par un dirigeant politique local à l'encontre des sympathisants de la rébellion. Le meurtre du chef de la police de Hinche, tué lundi par des miliciens rentrés de leur exil dominicain avec Chamblain, avait suscité la colère des habitants du quartier.
Plusieurs stations de radio ont par ailleurs fait état de vives tensions à Cap-Haïtien, deuxième ville du pays, située sur la côte nord, où des partisans du gouvernement s'en étaient pris violemment à des opposants présumés dans les jours qui ont suivi le soulèvement armé, entamé le 5 février avec la prise des Gonaïves.
Mardi, le gouvernement haïtien a lancé un appel à l'aide internationale pour mettre un terme à l'insurrection. Dans un communiqué, le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé hier à une solution pacifique de la crise, demandant au président Aristide et aux dirigeants de l'opposition «de restaurer la confiance et le dialogue» et de rétablir l'ordre «démocratiquement». Après la suggestion mardi par la France d'envoyer une force de paix en Haïti, une idée non retenue par les États-Unis, le Mexique a indiqué qu'il n'y était pas non plus favorable mais pouvait fournir une aide humanitaire.
Les États-Unis ont une nouvelle fois fait d'un accord politique un préalable à toute assistance internationale. «Ce que nous voulons actuellement, c'est trouver une solution politique, et des pays volontaires pourraient ensuite fournir une présence policière pour mettre en oeuvre cet accord politique entre les parties», a déclaré le porte-parole du département d'État, Richard Boucher.
Aristide a démantelé son armée après avoir été rétabli au pouvoir en 1994 par les États-Unis à la suite d'un coup d'État. La police ne compte que 5000 hommes.