Ankara et Berlin vont faire appel à l’OTAN

La chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, ont décidé lundi de demander l’aide de l’OTAN pour endiguer le flux des migrants vers l’Europe, alors que 30 000 réfugiés syriens restaient bloqués à la frontière turque.

En difficulté dans son pays pour y avoir autorisé l’accueil de plus d’un million de migrants l’an dernier, Mme Merkel a évoqué à l’issue d’un entretien avec M. Davutoglu l’entrée en scène de l’organisation pour mieux contrôler les côtes turques, d’où des centaines de personnes continuent chaque jour à s’élancer vers la Grèce.

« Nous allons utiliser la rencontre des ministres de la Défense de l’OTAN […] pour parler des possibilités et dans quelle mesure l’OTAN peut aider en matière de surveillance en mer pour soutenir le travail de Frontex et des garde-côtes turcs », a-t-elle déclaré.

Berlin et Ankara se sont promis de « mieux coopérer », a répété lundi M. Davutoglu, après sa rencontre avec Angela Merkel.

 

Un autre naufrage

 

La Turquie et l’Union européenne (UE) ont signé fin novembre un « plan d’action » qui prévoit une aide européenne de 3 milliards d’euros aux autorités turques en échange de leur engagement à mieux contrôler leurs frontières et à lutter contre les passeurs.

Lundi encore, un nouveau naufrage a fait au moins 24 morts, dont au moins 11 enfants, au large d’Edremit, a rapporté l’agence de presse Dogan.

Selon les dernières statistiques publiées par le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), quelque 68 000 migrants sont parvenus à entrer en Grèce depuis la Turquie depuis le 1er janvier. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a de son côté recensé 284 décès de migrants cette année sur la même route.

Dans ce contexte, les demandes pressantes de l’Union européenne à la Turquie pour qu’elle ouvre ses portes aux réfugiés d’Alep a suscité l’irritation de dirigeants turcs.

« Vous demandez à la Turquie de contenir le flux de réfugiés vers vos pays et maintenant vous nous appelez à ouvrir grand notre frontière aux réfugiés. Vous nous prenez pour des idiots ? », s’est emporté lundi le vice-premier ministre, Yalçin Akdogan.

Une semaine après le début de l’offensive du régime de Damas autour de la deuxième ville de Syrie, quelque 30 000 personnes patientaient lundi devant le poste-frontière turc d’Oncupinar, a dit M. Davutoglu.

« Personne ne doit penser que, comme la Turquie accepte les réfugiés et assume cette responsabilité, elle doit porter toute seule le fardeau », a-t-il averti, alors que l’UE presse la Turquie d’en faire beaucoup plus pour endiguer le flot des migrants.

« Évidemment, comme toujours, nous allons subvenir aux besoins de nos frères syriens et les accepter quand ce sera nécessaire », a ajouté le chef du gouvernement, dont le pays abrite déjà 2,7 millions de Syriens.

Mme Merkel s’est dite pour sa part « horrifiée » par « les souffrances humaines » des Syriens bloqués à la frontière syro-turque.

 

Aide d’urgence

Sur le terrain, les autorités d’Ankara s’efforcent pour l’instant d’accommoder au mieux les réfugiés sur le sol syrien même.

Depuis vendredi, la Fondation pour l’aide humanitaire (IHH), une ONG islamique turque très proche des autorités, et le Croissant-Rouge turc ont livré à Bab al-Salama, la localité frontière syrienne, des tonnes de matériel et de nourriture.

« Nos opérations ont pour vocation de prendre soin des gens à l’intérieur du territoire syrien », a expliqué Serkan Nergis, un porte-parole d’IHH.

Ankara réclame depuis des mois, sans succès auprès de ses alliés, la création dans l’extrême nord de la Syrie, d’une « zone de sécurité » pour accueillir les déplacés qui échappent à la guerre en se réfugiant en Turquie.

Malgré les efforts des ONG, les déplacés, surtout des femmes et des enfants, stationnent devant Oncupinar dans une situation précaire. « Nous avons faim et froid. Les gens dorment dans la rue », a témoigné lundi à l’AFP Mohamad Rahma, 15 ans, l’un des rares réfugiés autorisés à franchir la frontière pour se faire soigner côté turc. « La situation est terrible. Ils souffrent du froid », a renchéri un Turc, Necati Yildiz, dont la fille mariée à un Syrien est bloquée à Bab al-Salama.

Selon les autorités turques, le nombre de civils massés autour d’Azaz pourrait plus que doubler dans les jours qui viennent.

À voir en vidéo