La Russie assoit sa mainmise militaire sur la Crimée

La silhouette d’un soldat se découpant sur le drapeau ukrainien dans une base de Sébastopol. Les bases de Crimée sont encore sous le contrôle de l’Ukraine, mais elles sont encerclées.
Photo: Agence France-Presse (photo) Filippo Monteforte La silhouette d’un soldat se découpant sur le drapeau ukrainien dans une base de Sébastopol. Les bases de Crimée sont encore sous le contrôle de l’Ukraine, mais elles sont encerclées.

La Russie poursuit son coup de force en Ukraine malgré les menaces brandies par les pays occidentaux, qui peinent à organiser leur riposte : des hommes armés de fusils d’assaut encerclaient lundi toutes les bases militaires ukrainiennes en Crimée tandis que Kiev accusait la marine russe d’avoir sommé les équipages de deux navires ukrainiens croisant dans cette région de se rendre, un ultimatum dont Moscou a nié l’existence.

 

L’Ukraine affirme que les troupes russes continuent de débarquer massivement en Crimée, cette péninsule peuplée majoritairement de russophones dans le sud de son territoire. Au total, Kiev estime à 16 000 hommes les troupes envoyées dans cette région par Moscou depuis une semaine.

 

« Toutes les bases en Crimée sont encore sous le contrôle de l’Ukraine, mais elles sont encerclées, a déclaré un porte-parole du ministère ukrainien de la Défense. Aucun coup n’a été tiré, à l’exception d’un tir de semonce à Belbek, par les Ukrainiens. »

 

« Les forces russes ont maintenant le contrôle opérationnel de toute la péninsule criméenne », estimait pour sa part un responsable américain parlant sous le couvert de l’anonymat.

 

Le président américain, Barack Obama, a annoncé que son gouvernement examinerait « un ensemble de mesures économiques et diplomatiques qui isoleront la Russie ». « Elles auront un impact négatif sur l’économie [de la Russie] et son statut à travers le monde », a-t-il ajouté.

 

Plus tôt dans la journée, le département d’État avait évoqué des actions punitives contre des personnes morales ou physiques russes.

 

Barack Obama, qui parlait à la presse après une rencontre avec le premier ministre israélien à la Maison-Blanche, a jugé que les actions récentes de la Russie violaient à la fois « la souveraineté ukrainienne » et le « droit international ». Vladimir Poutine, a-t-il ajouté, se situe « du mauvais côté de l’histoire ».

 

Le secrétaire d’État, John Kerry, qui a multiplié les interventions sur les réseaux de télévision tout au long du week-end, est attendu à Kiev mardi, dans le cadre du véritable ballet diplomatique que la crise ukrainienne a lancé.

 

À Washington, plusieurs parlementaires ont pressé Barack Obama de hausser le ton à l’endroit de Moscou, certains souhaitant même que les États-Unis remettent à l’ordre du jour leurs projets de batteries antimissiles en Pologne et en République tchèque, abandonnés en 2009.

 

Washington s’apprête à offrir une aide financière non seulement à l’Ukraine, mais également à la Moldavie, qui subit des pressions de la part de Moscou pour se joindre à une association économique en concurrence avec l’Union européenne.

 

La crise en Ukraine représente pour Barack Obama le plus important défi qui lui ait été lancé en matière de politique étrangère depuis son accession à la Maison-Blanche. C’est toute la pensée stratégique de son gouvernement qui risque d’être remise en question puisque celle-ci prévoit un déplacement des ressources militaires de l’Europe occidentale vers l’Extrême-Orient.

 

Harper et le G8

 

Lundi lors d’un point de presse, le premier ministre Stephen Harper a menacé d’exclure la Russie du G8 si elle ne mettait pas fin immédiatement à l’occupation de la Crimée.

 

Le Canada fait ainsi écho à une mise en garde lancée dimanche matin par le secrétaire d’État américain. Dimanche également, les pays du « G7 » ont condamné à l’unisson la « claire violation » de la souveraineté de l’Ukraine par Moscou et annoncé qu’ils suspendaient leurs préparatifs en vue du sommet prévu à Sotchi en juin.

 

Lundi, le Parlement canadien a voté à l’unanimité une motion condamnant l’intervention russe en Crimée. « Nous avons également rappelé notre ambassadeur en Russie et annulé la représentation du gouvernement aux Jeux paralympiques », a notamment ajouté M. Harper, qui a discuté lundi avec son homologue ukrainien, Arseni Iatseniouk, pour «critiquer sévèrement» l’intervention militaire russe en Crimée. En entretien à la CBC, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a de son côté comparé l’intervention de la Russie en Crimée à l’invasion par Hitler des Sudètes, une partie de l’ancienne Tchécoslovaquie.

 

Le Conseil de sécurité de l’ONU a entamé lundi une nouvelle réunion consacrée à l’Ukraine, la troisième en quatre jours.

 

L’intervention russe en Crimée n’a pour objectif que de « défendre nos compatriotes et nos citoyens », a déclaré dans ce forum l’ambassadeur de Russie à l’ONU, Vitali Tchourkine, répétant la position de Moscou. Le diplomate a affirmé que le président ukrainien déchu, Viktor Ianoukovitch, a demandé au président Vladimir Poutine l’aide militaire de la Russie « pour défendre la population ukrainienne […] à la suite des événements survenus à Kiev ».

 

En Russie, le président de la Chambre basse, Sergueï Naryshkin, s’est dit d’avis qu’il ne sera pas nécessaire que son pays utilise la force militaire contre l’Ukraine, dans l’intention apparente de tempérer les craintes suscitées par le vote de la Chambre haute autorisant le recours à la force si nécessaire.



Avec l'Agence France-Presse

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