Tuerie à Toulouse - La trêve politique est rompue
Paris — Alors qu'une traque sans pareil s'organise pour retrouver le meurtrier des enfants assassinés lundi matin devant une école juive de Toulouse, la trêve politique décrétée par les principaux candidats à l'élection présidentielle semble déjà rompue. Le candidat centriste François Bayrou a même accusé directement le président d'entretenir «les haines». À un mois de l'élection, le deuil qui afflige la France a beau avoir mis la campagne présidentielle entre parenthèses, l'unité affichée entre les candidats se lézarde.
Seul candidat majeur (avec Jean-Luc Mélenchon) à ne pas avoir interrompu sa campagne, François Bayrou a montré directement du doigt le président Sarkozy, qu'il rend responsable du climat qui règne aujourd'hui en France. Il a tout particulièrement fait allusion à son discours prononcé à Grenoble en juillet 2010, dans lequel le président associait la criminalité aux Roms. «Les hommes publics ont le devoir de veiller à ce que les tensions, les passions, les haines ne soient pas à chaque instant entretenues, a déclaré François Bayrou. Le fait de montrer du doigt les uns et les autres en fonction de leur origine, c'est faire flamber les passions et on le fait parce que dans ce feu-là, il y a des voix à prendre.» Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a immédiatement réagi en affirmant qu'il ne fallait pas ajouter «l'ignoble à l'horrible».Mais, François Bayrou n'est pas le seul à montrer du doigt Nicolas Sarkozy. Hier, la secrétaire nationale d'Europe-Écologie-les Verts, Cécile Duflot, a reproché sur Twitter au président d'affoler les enfants alors qu'il participait, dans une école du 4e arrondissement de Paris, à la minute de silence décrétée la veille. Nicolas Sarkozy s'est adressé aux élèves, dont les plus jeunes avaient 11 ans. «Ça s'est passé à Toulouse, dans une école confessionnelle, avec des enfants de familles juives, mais ça aurait pu se passer ici, a-t-il déclaré. Il aurait pu y avoir le même assassin, ces enfants sont exactement comme vous.» Le président a ajouté que «l'assassin s'est acharné sur une petite fille. Il faut réfléchir à ça». Interrogé par les enfants, il a continué: «Ce qui me frappe beaucoup, c'est la froideur avec laquelle il [l'assassin] exécute, il n'y a pas de colère, il y a de la violence froide.»
«Je pense, M. le Président, qu'on ne parle pas ainsi à des enfants, a déclaré Cécile Duflot. Le devoir des adultes, c'est de protéger, pas d'angoisser.» L'émotion personnelle qu'exprime chaque fois le président n'a pas irrité que la militante écologiste. La mairesse socialiste du 4e arrondissement, Dominique Bertinotti, qui assistait à l'intervention, a aussi estimé qu'«en ces moments d'unité nationale» elle aurait «préféré un discours républicain plutôt qu'émotionnel».
Alors qu'un dernier sondage réalisé pour VSD lui accorde une avance de 1 % sur Nicolas Sarkozy au premier tour (et de 12 % au second), le socialiste François Hollande n'a pas voulu engager la polémique directement. Il s'est contenté de réclamer «l'exemplarité au sommet de l'État. Rien ne peut être toléré, ni le vocabulaire ni la vulgarité», dit-il.
Hier, le candidat semblait surtout soucieux de ne pas être relégué dans l'ombre dans ce moment tragique. Il a assisté lui aussi à une minute de silence dans une école du Pré-Saint-Gervais, dans la proche banlieue de Paris.
Une traque exceptionnelle
Pendant ce temps, une traque exceptionnelle se poursuivait à Toulouse. Les policiers sont maintenant convaincus que l'assassin des enfants et du professeur de l'école juive Ozar Hatorah est aussi celui des parachutistes abattus la semaine précédente à Toulouse et Montauban puisqu'il a utilisé la même arme de calibre 11,43 et le même scooter de marque Yamaha.
«Il s'agit d'un individu extrêmement déterminé, qui se sent traqué et qui est susceptible de passer de nouveau à l'acte», a déclaré le procureur François Molins, responsable de l'enquête. Il note la périodicité de quatre jours entre les attentats, sans en faire une certitude. Selon lui, aucune piste n'est abandonnée, pas même celle de trois parachutistes expulsés de l'armée en 2008 pour avoir participé à des rites néonazis.
Depuis lundi, la région est soumise à un plan Vigipirate de niveau écarlate, ce qui a déjà entraîné la multiplication des contrôles d'identité et pourrait permettre l'utilisation de mesures de sécurité encore plus exceptionnelles, comme le contrôle des moyens de transport ou l'interruption du trafic aérien. Dans tout le pays, la sécurité des lieux religieux a été renforcée. Plus de 200 enquêteurs et un millier de gendarmes mobiles et de CRS ont envahi la région.
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Correspondant du Devoir à Paris