Développement et paix - Le Congo est un pays à reconstruire

Ce texte fait partie du cahier spécial Coopération internationale, février 2012
Qui a dit qu'être un pays où les matières premières abondent est signe de richesse et de prospérité? Plus d'un, donnant en exemple des pays du Nord ou des émirats moyen-orientaux. Elles abondent au Congo, mais le pays se classe bon dernier selon l'indice de développement humain. Aussi, Développement et paix œuvre à rebâtir la démocratie.
«Le Congo est un pays aux richesses fabuleuses, rapporte Serge Blais. On y trouve du pétrole, des diamants, de l'or et du cuivre en grande quantité, ainsi que du cobalt et des métaux précieux, qu'on utilise dans les nouvelles technologies. On y trouve également la deuxième plus grande forêt tropicale au monde (après celle d'Amazonie), ainsi que le deuxième plus grand fleuve (en matière de débit), ce qui procure une richesse en agriculture et en hydraulique. On dit même que si on mettait à profit le potentiel hydroélectrique du Congo, on pourrait électrifier toute l'Afrique! Mais, aussi, le Congo se classe bon dernier selon l'indice de développement humain. Ce pays est donc un immense paradoxe, puisqu'il recèle des richesses fabuleuses, mais aussi une pauvreté épouvantable.»Serge Blais est chargé de programmes pour la République démocratique du Congo pour le compte de Développement et paix, l'organisme officiel de solidarité internationale de l'Église catholique du Canada. Il a vécu cinq ans au Congo et il y retourne trois ou quatre fois par année afin de superviser les projets que finance son ONG. «Développement et paix est une organisation de solidarité avec les populations qui cherchent à résoudre leurs problèmes, dit-il. Sauf exception, nous n'avons pas de coopérants sur le terrain, nous venons plutôt en appui direct aux populations qui s'organisent sur place.» L'ONG récolte des fonds au Canada pour financer des initiatives conçues et mises en oeuvre par des organisations locales en Afrique, en Asie et en Amérique latine.
Les conséquences d'un État faible
Ce pays d'Afrique centrale est une fois et demie plus vaste que le Québec et compte dix fois plus d'habitants. C'est le quatrième pays le plus peuplé d'Afri-que, et le plus peuplé de la francophonie. Depuis son accession à l'indépendance en 1960, cet ancien Congo belge s'est successivement appelé Congo-Léopoldville puis Congo-Kinshasa (pour le différencier du Congo-Brazzaville voisin), puis Zaïre jusqu'en 1997. Il est désormais appelé République démocratique du Congo (RDC) ou RD Congo, ou tout simplement Congo. Cette succession de noms illustre l'histoire tourmentée qu'a connue ce pays. Et cette République démocratique n'a rien de démocratique, puisqu'elle est aux mains d'une multitude de brigands.
«Le pays souffre d'une forme d'exploitation qui frise le banditisme», résume Serge Blais. En plus de nos multinationales qui s'en mettent plein les poches, le Congo est aux mains de bandes armées qui contrôlent des portions du pays. «On pourrait dire que ça ressemble au Far West du XIXe siècle, dit-il. C'est-à-dire qu'en l'absence d'un État capable d'assurer le respect des lois sur son territoire, des aventuriers de toutes sortes y sévissent, souvent avec la complicité des dirigeants du pays.»
Ces dernières années, un nouveau joueur s'est ajouté: la Chine, qui investit massivement dans ce pays aux mille richesses. Or, estime M. Blais, le fait que les Chinois sont maintenant présents «ne fait aucune différence». Comme au temps des colonies, «la "métropole" vient chercher les ressources dont elle a besoin pour se développer, dit-il. Le Congo demeure une source de ressources qui sont mises en valeur par d'autres, que ce soient les Européens, les Canadiens, et maintenant les Chinois et les Indiens.»
Victime de guerres civiles à n'en plus finir, on estime qu'au cours des quinze dernières années, de cinq à six millions de Congolais sont morts — soit presque autant que la population du Québec, et le dixième de celle du Congo. Le pays est en outre en proie à une corruption systémique de la part des fonctionnaires de l'État, des policiers et de l'armée. «Ceux-ci ne sont pas payés ou si peu, explique Serge Blais, ce qui fait qu'ils se servent à même la population. C'est ainsi que lorsque le maïs vient à maturité dans les champs, les militaires viennent le voler, ou ils font des barrages sur les routes, ou inventent de fausses taxes dans les marchés... Ils agissent ainsi souvent pour une question de survie, pour nourrir leur propre famille. Mais cela a pour effet de décourager toute population qui tente de s'en sortir.»
Enfin, les nombreuses guer-res et les zones sous contrôle de bandes armées provoquent des déplacements de populations. «Des gens qui vivaient déjà dans une extrême pauvreté se trouvent maintenant à vivre dans la grande misère en forêt», commente le chargé de programmes pour la RDC.
Rebâtir par la démocratie
Depuis des décennies, Développement et paix tente de porter secours et d'aider un tant soit peu la population. «Au Congo, il y a toujours, et de façon continue, des situations d'urgence, indique Serge Blais. On appuie donc des programmes de fourniture d'abris et de biens de première nécessité aux populations déplacées.»
«Nous cherchons aussi à relancer les capacités productives des populations en aidant, entre autres, les femmes à produire des fruits et légumes qui sont vendus dans les écoles, poursuit-il. Ceci permet à la fois de nourrir les élèves et encourage les initiatives économiques locales.»
Plus globalement, le malheur du Congo est qu'il n'y a pas un État de droit. Développement et paix cherche donc à favoriser des changements de gouvernance et politique. Selon ce que constate M. Blais, la corruption systémique qui mine le pays est due au fait que les politiciens au pouvoir n'ont pas de comptes à rendre à leur population. «L'idée fondamentale de tenir des élections, c'est d'obtenir des élus qui ont des comptes à rendre, dit-il. Autrement, ils font à leur tête et s'en mettent plein les poches. Les élections servent donc à la création d'un État de droit, pour qu'il y ait des lois dans un pays et que celles-ci soient respectées.»
De l'avis des Congolais avec lesquels Développement et paix travaille depuis longtemps, il faudrait commencer par organiser de véritables élections locales. «Commencer au niveau local permettrait de régler des problèmes concrets et à court terme, indique Serge Blais. Puis, avec le temps, les élus locaux pourraient constituer une nouvelle classe politique susceptible de faire du Congo un État de droit.»
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Collaborateur du Devoir
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