WikiLeaks publie tous ses câbles et est fortement critiqué par les médias

Julian Assange (photo d'archives)
Photo: Agence Reuters Paul Hackett Julian Assange (photo d'archives)

WikiLeaks a publié aujourd'hui l’ensemble de ses câbles diplomatiques du département d’État américain, la majeure partie, sinon le tout, sans aucune censure. Le geste a suscité de vives condamnations de la part des principaux journaux qui ont, par le passé, collaboré avec les efforts anti-censure du groupe pour révéler la corruption et les ententes secrètes.

Plusieurs médias, incluant l’Associated Press, ont déjà eu accès à une partie ou à l’ensemble des documents non-censurés. Mais la décision de WikiLeaks de publier les 251 287 câbles sur son site Internet rend accessible à tous des sources diplomatiques potentiellement sensibles, simplement avec quelques clics de souris. Des responsables américains ont mis en garde contre le fait que cette divulgation pourrait mettre la vie de certaines personnes en danger, comme des responsables de l’opposition ou des défenseurs des droits humains.

Une déclaration conjointe publiée sur le site du quotidien The Guardian indique que la publication britannique et ses homologues internationaux — l’américain New York Times, le français Le Monde, l’allemand Der Spiegel et l’espagnol El Pais — «déplorent la décision de WikiLeaks de publier les câbles du département d’État sans les censurer, ce qui pourrait mettre des sources en danger».

Ces médias, et WikiLeaks lui-même, censuraient auparavant les noms des sources potentiellement vulnérables, bien que la norme ait varié, et que certains experts aient averti que même les gens dont les noms avaient été tenus secrets étaient à risque.
Désormais, la majeure partie, voire même l’ensemble des câbles publiés sur le site Internet de WikiLeaks affichent les noms sans censure.

Le débat fait rage quant à l’impact de ce geste.

Lors d’une entrevue accordée à l’Associated Press plus tôt cette semaine, un ancien responsable du département d’État, P.J. Crowley, a averti que cette nouvelle publication de documents pourrait être utilisée pour intimider des militants dans les pays autoritaires. M. Crowley a déclaré que «tout service de sécurité d’un pays autoritaire le moindrement sérieux» avait probablement déjà l’intégrale de l’archive des câbles, mais que les nouvelles publications signifiaient que les agences de renseignements qui ne les avaient pas encore «les auraient sous peu».

Les employés de WikiLeaks n’ont pas répondu à de nombreuses requêtes d’entrevue envoyées au cours des deux derniers jours. Mais dans une série de messages publiés sur Twitter, le groupe a suggéré qu’il n’avait pas eu d’autre choix que de publier l’intégrale des documents, puisque des copies des archives circulaient déjà sur Internet après une brèche de sécurité.

WikiLeaks a blâmé The Guardian pour l’esclandre, soulignant qu’un mot de passe utilisé pour décrypter les fichiers avait été publié dans un livre écrit par David Leigh, l’un des enquêteurs du journal et un collaborateur devenu détracteur du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange.

Le Guardian, M. Leigh et d’autres ont toutefois rejeté les accusations. Bien que le mot de passe eut effectivement été publié dans le livre de M. Leigh, il y a environ sept mois, des journalistes du Guardian ont suggéré que le vrai problème était que WikiLeaks avait publié le dossier encrypté en ligne par accident, et que M. Assange n’avait jamais pris la peine de modifier le mot de passe.

Dans leur déclaration, les partenaires internationaux du Guardian ont durement critiqué l’ancien pirate informatique de 40 ans.

«Nous ne pouvons défendre la publication inutile des données complètes. En fait, nous sommes unis dans notre condamnation», explique la déclaration, avant d’ajouter : «La décision, par Julian Assange, est la sienne, et seulement la sienne.»

Ce rejet par les organisations média est une nouvelle rebuffade pour WikiLeaks, dont le site Internet est sous embargo financier, et dont le chef demeure sous arrêt dans un manoir anglais, dans l’attente du règlement d’une procédure d’extradition vers la Suède en lien avec des allégations d’agression sexuelle dans le cadre d’une autre affaire.

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