Conseil de sécurité: un deuxième tour pour départager le Canada et le Portugal

Le Devoir aux Nations unies (New York) — Le Canada et le Portugal devront attendre un deuxième tour surprise pour connaître qui aura la chance d’obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce tour supplémentaire a présentement lieu à l’Assemblée générale des Nations unis, à New York.

Le Canada pensait pourtant obtenir un siège au Conseil de sécurité dès le premier tour, mais la très grande présence des pays membres pourrait avoir changé la donne. Alors qu’il manque généralement entre 10 et 20 pays, souvent plus petits, pour ce vote, l’Assemblée générale était pleine à craquer ce matin. Pas moins de 190 bulletins valides, sur les 192 pays membres de l’ONU, ont été déposés dans l’urne.

L'Assemblée générale de l’ONU avait commencé à voter vers 10h15 pour renouveler 5 des 10 membres non permanents du Conseil de sécurité. Pour y accéder, le Canada doit récolter le vote des deux tiers des pays présents à l’Assemblée générale, soit 127 votes.

Canada 114, Portugal 122

Le Canada a obtenu 114 voix au premier tour. L’Allemagne, avec 128 votes, accède directement au Conseil de sécurité. Le Portugal, avec 122 voix, aura besoin du deuxième tour, contre le Canada, pour espérer se qualifier.

Dans les camps portugais et canadiens, les visages étaient longs. Visiblement, les deux délégations pensaient ne pas avoir besoin d’un deuxième tour. Le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a dû repousser sa conférence de presse, prévue à 11h30.

Les cinq sièges à combler sont divisés en sous-régions de la planète, de sorte que dans la zone géographique «Europe occidentale et autres pays», trois nations s’affrontaient pour deux sièges disponibles. Trois pays avec une bonne réputation internationale: le Canada, l’Allemagne et le Portugal. Les deux nouveaux venus remplaceront l'Autriche et la Turquie. Le mandat est de deux ans (2011 et 2012).

Les membres de l’Assemblée générale avaient donc droit à deux votes pour cette région, qu’ils inscrivent en même temps sur un bout de papier. Les bulletins sont déposés dans six urnes brunes. Le comptage est fait à la main.

Les rondes de vote s’enchaînent tant et aussi longtemps que deux pays n’ont pas obtenu l’appui des deux tiers de l’Assemblée.

Trois des cinq sièges non permanents à remplacer avaient déjà trouvé preneurs avant même le début du vote ce matin, puisque les pays des sous-régions à qui sont réservées les places s’étaient entendus entre eux. Ainsi, pour l’Asie, l’Inde prend la place du Japon. En Amérique latine, la Colombie remplace le Mexique, alors que sur le continent africain, l'Afrique du Sud occupera le poste que détenait l'Ouganda.

Succès pour le Canada


À chaque décennie depuis la création de l'ONU, le Canada a brigué avec succès un siège dans le saint des saints de la sécurité mondiale. La dernière présence du Canada remontait à 1999 et 2000. Il avait fait son entrée grâce à 131 votes (premier tour), en compagnie des Pays-Bas (122 votes). La Grèce (87) avait mordu la poussière. Lors du vote, en 1998, 177 pays étaient présents.

Le Conseil de sécurité se compose de 15 membres, soit 10 non-permanents et cinq permanents, qui ont un droit de veto sur les décisions (France, Russie, Grande-Bretagne, Chine, États-Unis). Outre les membres permanents et les cinq postes décidés ce matin, les cinq autres pays au Conseil de sécurité sont présentement le Brésil, le Liban, le Nigeria, le Gabon et la Bosnie-Herzégovine. Ils seront remplacés dans un an.

Le club le plus exclusif de l'ONU

Le Conseil de sécurité est le club le plus exclusif et puissant de l’ONU. Il dirige les débats qui touchent la sécurité mondiale et doit souvent intervenir en cas de crise.

Depuis le début de la course, dans la zone «Europe occidentale et autres pays», l’Allemagne était donnée favorite par les observateurs politiques et la classe diplomatique. Berlin pèse très lourd en Europe et a une diplomatie efficace et une contribution exemplaire à l’ONU.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a d’ailleurs fait le voyage jusqu'à New York cette semaine afin de soutenir la candidature de son pays. Le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a fait de même.

L'ambassadeur allemand à l’ONU, Peter Wittig, disait hier souhaiter que ce siège au Conseil de sécurité serve à «poursuivre une politique active de paix». «Nous avons l'expérience et les ressources pour cela», a-t-il dit.

Le Canada devait être aidé par sa grande visibilité internationale cette année, grâce au G-8, au G-20 et aux Jeux olympiques. Ottawa a aussi obtenu un coup de pouce de certains pays puissants dans des régions-clés, comme la Russie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

L'avantage du Canada se situait également dans la représentation géographique. «Est-ce que les pays du monde voudront deux nouveaux membres au Conseil qui proviennent de l'Europe? Il y a déjà la France et la Grande-Bretagne qui ont un siège permanent», affirmait récemment au Devoir un autre diplomate onusien.

En théorie, les pays devaient faire leur choix en fonction de trois critères: la contribution aux opérations de maintien de la paix, la contribution générale à l'ONU et la répartition géographique équitable. Mais en réalité, la campagne donne lieu à du marchandage de toutes sortes pour obtenir l’appui des pays.

Pour les pays votants, une multitude de facteurs entrent en ligne de compte, confirme Louise Fréchette, qui a été vice-secrétaire générale de l'ONU de 1998 à 2006. «Le bilan à l'ONU en fait partie, mais aussi la réputation du pays et tous les retours d'ascenseurs qui sont négociés», affirme au Devoir celle qui est maintenant associée au Centre pour l'innovation en gouvernance internationale, à Waterloo.

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