L'Irak, ses musées et ses sites archéologiques - Les pilleurs ont repris du service
Washington - Des milliers de pilleurs sont actuellement à l'oeuvre dans un grand nombre de musées et de sites archéologiques irakiens qui ne sont plus gardés depuis l'invasion américano-britannique, ont relaté hier des archéologues et historiens de retour d'une expédition sur place en mai.
Ces experts ont visité une vingtaine de sites majeurs dans le nord et le sud du pays, où de sérieux dommages infligés par de récents pillages ont été constatés.«Plusieurs sites importants ont été sérieusement pillés et n'étaient pas gardés quand nous nous sommes rendus sur place», a expliqué Henry Wright, conservateur du musée d'anthropologie de l'université de l'Illinois, qui dirigeait l'expédition organisée par la National Geographic Society.
Lors d'une conférence de presse par téléphone, le chercheur a estimé que «des dommages irréparables sont infligés, alors même que nous parlons», appelant à une protection de ces sites. Cette équipe d'experts a dressé un sombre bilan de l'état des sites, musées et palais visités.
Parmi les sites les plus importants de la culture mésopotamienne, celui de l'ancienne capitale assyrienne de Nimroud a été pillé. Les tombes royales parées d'or sont très endommagées. Les experts ont aussi constaté que les ornements des murs de l'un des palais avaient été volés.
Sur le site de Ninive, la plus importante ville de l'ancienne Assyrie, un bas-relief ornant un palais paraît avoir été attaqué à la masse et deux trous au moins ont été creusés dans le sol des chambres funéraires par des voleurs à la recherche d'or et d'objets en ivoire. Un seul garde était présent, par intermittence, sur le site.
Le musée de Mossoul, même s'il n'a pas été directement touché par des missiles de croisière américain, a subi d'importants dégâts dus aux bombardements. Ses grandes fenêtres notamment ont été soufflées.
Et surtout, les pilleurs se sont emparés de bronzes des portes du palais de Balawat, dans la galerie assyrienne, ainsi que de briques assyriennes portant des inscriptions cunéiformes. «Les dommages dans les galeries et salles de stockage du musée sont considérables», ont rapporté les experts. «Nous avons vu le pillage du musée de Mossoul de nos propres yeux», a relaté l'archéologue Tony Wilkinson, en précisant que, sur d'autres sites, les vols étaient très ciblés par «des pilleurs bien armés, qui sont capables de prendre le dessus sur les gardes», quand ils existent.
Mais la plupart des sites ne sont pas surveillés. Dans le sud du pays, les pilleurs ont causé «des dommages majeurs sur le site de Dahaileh» qui faisait partie de la basse Mésopotamie, a poursuivi M. Wright. Le même constat a été fait sur le site de Larsa, qui n'est pas gardé.
«Je n'ose pas imaginer ce qui a pu être volé ici», a dit le responsable de l'expédition.
Le musée de Babylone a également été sérieusement pillé et sa bibliothèque réduite à un tas de cendres, ont rapporté les chercheurs.
L'anthropologue Elisabeth Stone, qui a participé à l'expédition, a souligné que les pillages sont encouragés par «le désir d'acheter ces objets dans les pays occidentaux, par des personnes aisées aux États-Unis, en Europe et au Japon».