Une société civile à organiser

Les organisations non gouvernementales (ONG) ont explosé en Irak à partir de 2003, date de la chute du régime baasiste de Saddam Hussein.

Du néant, on est passé à 8200 organisations de ce type en deux ans. Depuis lors, les trois quarts d'entre elles ont disparu grâce à des procédures d'accréditation qui ont permis de faire un filtrage.

«Si chacune de ces organisations avait eu un activiste des droits de l'homme, des millions de personnes auraient été sensibilisées et il n'y aurait plus de problème en Irak», observe avec une certaine ironie Aree al-Jabari, directeur général d'INSAN, un groupe fondé dans ce pays en 2003.

Cette ONG intervient en faveur des personnes déplacées (les «réfugiés de l'intérieur») dans des domaines très variés: aide alimentaire, formation des professionnels de la santé, droits des femmes, microcrédit, formation de coopératives, mais surtout en matière de résolution des conflits.

INSAN sert cette clientèle, estimée à 1,5 million de personnes dans l'ensemble du pays, dans les villes de Bagdad, Kirkouk (nord), Kut (est) et Muthanna (sud).

M. Al-Jabari, qui était de passage à Montréal hier à l'invitation de Développement et Paix, a reçu des menaces par lettre ou par téléphone à trois reprises et une bombe a déjà été placée dans son bureau, qu'il avait quitté à temps. Il doit encore changer souvent d'adresse et utiliser surtout l'avion pour ses déplacements entre Kirkouk, où il travaille le plus souvent, et les autres bureaux de l'organisme.

Malgré ce tableau assez inquiétant, il croit que la situation en Irak s'est améliorée depuis peu. Selon lui, la réalité «n'est pas aussi noire que les images montrées à la télévision, qui parfois jettent de l'huile sur le feu». Il attribue cette embellie à un gouvernement un peu moins sectaire, à une police plus professionnelle et aux récentes politiques sécuritaires qui ciblent mieux les terroristes.

La stratégie américaine qui consiste à financer des milices dirigées par des chefs de tribu pour combattre al-Qaïda et les autres insurgés fonctionne, croit-il, mais pour combien de temps? «Qu'arrivera-t-il quand on ne voudra plus les payer?», demande-t-il.

M. Al-Jabari décrit quand même un pays gangrené par la corruption où les services de base sont encore déficients, et où le chômage s'élève à 40 % et le nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, à 60 %.

Après des attaques contre les soldats étrangers, l'Irak a surtout connu, à partir de février 2006 (date du plasticage d'une mosquée chiite à Sammara), des violences intercommunautaires qui ont provoqué des «déplacements massifs».

«Les personnes déplacées sont particulièrement vulnérables, note Aree al-Jabari. Pour qu'elles retrouvent un certain contrôle sur leur vie, nous les aidons à trouver du travail dans un contexte difficile. Notre travail consiste aussi à former des comités où siègent des représentants des personnes déplacées, de la population hôte, du gouvernement, et d'un quatrième groupe constitué de ceux qui sont revenus dans leur région d'origine.»

Selon Aree al-Jabari, l'Irak aura encore besoin de la présence de troupes étrangères pendant quelques années. «Même si nos institutions s'améliorent, nous ne sommes pas encore capables de contrôler seuls nos frontières et de combattre le terrorisme», dit-il.

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