Afghanistan - L'ONU et l'OTAN veulent mieux coopérer
Ottawa — Les Nations unies et l'OTAN coucheront sur papier une nouvelle entente de coopération pour accélérer le développement de l'Afghanistan et limiter les erreurs stratégiques, a appris Le Devoir. Cette entente devait être signée au dernier sommet de l'OTAN à Bucarest, le 3 avril, mais l'ONU était mal à l'aise de parapher un tel document lors d'une réunion militaire. La signature officielle aura donc lieu au mois de mai, dans l'enceinte de l'ONU, à New York.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, devraient être présents.Dans le milieu de la diplomatie canadienne, on explique que cette entente permettra de mieux harmoniser les opérations sur le terrain entre les deux organismes de premier plan en Afghanistan. «Il a déjà été question du fait que le nouvel envoyé spécial chapeaute à la fois les opérations de l'ONU et de l'OTAN en Afghanistan pour faciliter la coordination, mais c'était peut-être un peu trop audacieux étant donné les cultures de chaque organisation. À la place, ils vont signer une entente de coopération plus formelle», explique un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères.
Les détails de l'entente ne sont pas connus, mais, dans les grandes lignes, on explique que cela permettra d'améliorer sensiblement l'efficacité sur le terrain. Par exemple, lorsque l'OTAN menait une opération militaire pour déloger les talibans d'un secteur, il pouvait s'écouler plusieurs semaines avant que l'ONU et ses différentes composantes (Programme alimentaire mondial, Organisation mondiale de la santé, etc.), occupées ailleurs en Afghanistan, ne se déploient pour aider la population civile dans ce secteur.
Résultat : les Afghans, privés de l'argent des talibans qui provient de l'opium, sont alors en difficulté. Le désir de voir revenir les talibans, ne serait-ce que pour avoir de quoi manger, est alors très fort chez certains citoyens, ce qui anéantit les efforts militaires. L'entente permettra de mieux synchroniser les opérations, dit-on.
Dans la même veine, le général responsable des missions militaires à l'OTAN n'aura plus à coordonner les efforts avec chacun des chefs de mission des différents programmes de l'ONU. Un seul interlocuteur sera responsable des activités des Nations unies en Afghanistan.
Plus dure à coordonner dans une guérilla
La diplomatie canadienne se réjouit de la future entente, mais estime que l'ONU doit avant tout mieux coordonner ses propres activités sur le terrain. Le 9 avril dernier, le nouvel envoyé spécial de l'ONU a reconnu les problèmes lors d'une conférence de presse. «Il faut créer un momentum et un nouveau sens de l'urgence. Le gouvernement afghan a de nombreux défis et il ne doit pas, en plus, faire face à une communauté internationale mal coordonnée», a dit le Norvégien Kai Eide.
La Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) compte 1300 employés sur le terrain, dont 80 % sont des Afghans. Toutes les grandes agences onusiennes sont présentes en Afghanistan, ce qui porte leur nombre à 18 organismes. De son côté, l'OTAN compte 47 000 soldats déployés dans les 34 provinces du pays.
Titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM, Charles-Philippe David rappelle que ce type d'entente n'est pas nouveau. «C'est une formule de plus en plus utilisée, surtout quand il faut reconstruire un pays et mener des opérations militaires en même temps. Ça prend beaucoup de coopération.» Selon lui, une entente administrative ne réglera pas tout. «Est-ce que ça augmente l'espoir de changer la mission? On peut en douter. Les problèmes sont immenses, et ce n'est pas simplement une question de structure», dit-il, rappelant la faiblesse du gouvernement Karzaï et la corruption qui ronge le pays.
Tout juste de retour d'Afghanistan, où il dirigeait l'Équipe provinciale de reconstruction (EPR) à Kandahar, le lieutenant-colonel Robert Chamberlain, membre des Forces canadiennes, reconnaît qu'il y a «beaucoup de défis pour acheminer l'aide lorsqu'il y a une guérilla», comme c'est le cas en Afghanistan.
Il est bien placé pour comprendre les problèmes, puisque l'EPR a justement pour mandat d'aider au développement de la province de Kandahar. «Le militaire, la gouvernance et l'aide doivent aller ensemble, dit-il. Dans un monde parfait, chacun pourrait faire son travail sans problème. Mais, dans une guérilla, on ne peut pas se permettre de perdre l'appui des gens, alors il faut que les trois aspects soient bien synchronisés. On veut toujours faire plus, et c'est souvent frustrant. Mais il faut être patient», affirme le lieutenant-colonel Chamberlain.