La Serbie de nouveau plongée dans l'incertitude

Belgrade — Les Serbes sont entrés hier dans une nouvelle période d'incertitude avec la mise en place d'un gouvernement chargé d'expédier les affaires courantes jusqu'aux nouvelles législatives anticipées, sans doute les plus importantes pour leur avenir depuis la chute de Slobodan Milosevic.

Les divergences profondes sur le Kosovo et les relations avec l'Union européenne ont eu raison ce week-end de la coalition au pouvoir à Belgrade depuis dix mois entre le Parti démocrate (DS, pro-occidental) du président Boris Tadic et le Parti démocratique de Serbie (DSS, nationaliste) du premier ministre, Vojislav Kostunica.

Le gouvernement démissionnaire s'est réuni à la mi-journée hier pour entériner la dissolution. Tadic doit désormais dissoudre le parlement, puis officialiser dans les jours à venir la date des élections anticipées, sans doute le 11 mai.

«Cette élection sera un référendum pour savoir si la Serbie doit suivre la voie européenne ou s'enfermer dans l'isolement, comme l'Albanie sous Enver Hoxha», a déclaré le ministre de la Défense, Dragan Sutanovac, membre du Parti démocrate de Tadic, dans les colonnes du quotidien Politika.

Kostunica a dissous le gouvernement après avoir accusé ses partenaires d'avoir renoncé au Kosovo, province peuplée à 90 % d'Albanais qui a proclamé son indépendance le 17 février. «Un gouvernement qui ne se rassemble pas autour d'une politique ne peut évidemment pas fonctionner, et c'est donc la fin de ce gouvernement», a-t-il dit.

Sa décision entérine le refus de ses partenaires du DS et du G17 Plus de soutenir une résolution qui aurait bloqué la poursuite du rapprochement entre Belgrade et l'Union européenne tant que le bloc communautaire n'aurait pas fin à son soutien de l'indépendance du Kosovo, reconnue par la majorité des Vingt-Sept.

Comme la présidentielle remportée le mois dernier par Tadic au second tour, les législatives anticipées seront une course serrée entre le Parti démocrate du président et le Parti radical de Serbie (SRS, ultranationaliste) de Tomislav Nikolic, principale force politique du pays dont la cote semble encore avoir progressé depuis l'indépendance du Kosovo.

Tadic a affirmé dimanche que les tentatives visant à diviser les Serbes entre patriotes et traîtres sur la question du Kosovo se retourneraient contre leurs instigateurs. «Si nous rejoignons l'UE, nous pourrons alors faire en sorte que cet État hors la loi [le Kosovo] ne devienne lui jamais un membre de l'UE», a-t-il ajouté lors d'une émission télévisée.

À Bruxelles, des responsables de l'Union européenne ont affiché leur confiance dans l'issue des élections, espérant que les partis pro-occidentaux en sortiraient vainqueurs. Javier Solana, le Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, a espéré que les Serbes «continueront de pousser en faveur d'une relation profonde et solide avec l'Union européenne». Ce n'est pas la première fois que la Serbie vit dans l'incertitude. En 2007, le pays avait été gouverné cinq mois durant par un cabinet intérimaire jusqu'à ce que Kostunica et le Parti démocrate parviennent à s'entendre.

À en croire les sondages, qui créditent le SRS de 40 % des intentions de vote et l'alliance pro-occidentale DS/G17 de plus de 37,5 %, les élections du printemps risquent de déboucher sur un Parlement sans majorité évidente et sur de longues tractations en vue de former une nouvelle coalition.

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