Afghanistan - Gates met en doute la compétence des soldats de l'OTAN

Les déclarations de Robert Gates ont suscité un grand mécontentement parmi les pays membres de l’ISAF.
Photo: Agence Reuters Les déclarations de Robert Gates ont suscité un grand mécontentement parmi les pays membres de l’ISAF.

Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a vertement critiqué les compétences de certaines forces de l'OTAN en Afghanistan en matière de contre-insurrection, provoquant une levée de boucliers de l'Alliance et des militaires combattant dans le sud, bastion des talibans.

Devant ce début de polémique, le Pentagone a cherché hier à tempérer les propos de M. Gates en assurant que celui-ci n'avait «jamais critiqué publiquement les performances ou l'engagement de pays particuliers» et que «ses critiques visaient l'Alliance dans sa globalité».

Dans un entretien au Los Angeles Times publié hier, le chef du Pentagone a estimé que les forces de l'OTAN engagées dans le sud de l'Afghanistan, principalement composées de soldats britanniques, canadiens et néerlandais, ne sont pas suffisamment préparées à combattre des insurgés.

«Je suis préoccupé par le fait que nous déployons [des conseillers militaires] qui ne sont pas correctement entraînés et que certaines de nos forces militaires ne savent pas conduire des opérations de contre-insurrection», a-t-il déclaré dans cet entretien réalisé le 7 janvier.

«La plupart des forces européennes, des forces de l'OTAN, ne sont pas entraînées pour la contre-insurrection», a assené M. Gates, soulignant qu'elles l'étaient plutôt pour des opérations classiques comme au temps de la guerre froide.

Dans le Los Angeles Times, M. Gates a comparé les difficultés des forces de l'OTAN dans le sud, où se concentre le plus dur des combats, avec les «progrès» que feraient, selon lui, les troupes américaines dans l'est de l'Afghanistan. «Nos hommes dans l'est [...] font un boulot fantastique. Ils ont compris la stratégie de contre-insurrection. Mais je pense que nos alliés n'ont pas d'expérience dans ce domaine», a-t-il déclaré.

Surprise

L'attaque américaine a «surpris» les alliés des États-Unis et a provoqué une levée de boucliers tant de la part de l'OTAN que de certains pays présents dans le sud de l'Afghanistan, qui essuient de lourdes pertes au combat. Les troupes canadiennes, britanniques et néerlandaises sont le fer de lance des combats dans le sud de l'Afghanistan.

Le ministre canadien de la Défense Peter MacKay a de son côté minimisé les critiques de son homologue américain Robert Gates, indiquant avoir reçu des assurances que ces propos pris «hors contexte» ne visaient pas le Canada.

M. MacKay a déclaré avoir eu hier avec M. Gates une conversation téléphonique au cours de laquelle celui-ci a expliqué que les citations qui lui sont attribuées ont «été prises hors contexte et qu'il s'agissait de commentaires généraux sur la nécessité de renforcer l'entraînement de l'OTAN à la contre-insurrection».

Pour sa part, l'opposition libérale a réclamé que le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper convoque l'ambassadeur des États-Unis.

De tels commentaires traduisent à tout le moins un manque de sensibilité alors qu'un soldat canadien est mort mardi, près de Kandahar, a commenté le porte-parole libéral pour la défense, Denis Coderre.

Le ministère néerlandais de la Défense a convoqué l'ambassadeur américain pour qu'il lui fournisse des explications au sujet des propos de Robert Gates. «Nous ne nous reconnaissons pas dans l'image créée» par M. Gates dans son entrevue, a renchéri le ministre néerlandais de la Défense, Eimert van Middelkoop, soulignant l'expérience et le professionnalisme de ses troupes.

En Grande-Bretagne, un député conservateur a qualifié les propos présumés de M. Gates de «scandaleux».

Le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer a pour sa part déclaré avoir «le plus grand respect pour ce que les alliés font dans l'ouest, dans le nord, dans l'est, dans le sud» de l'Afghanistan, «et peut-être plus spécifiquement pour ce qui se fait dans le sud».

Ces critiques sont d'autant plus mal perçues que nombre d'acteurs au sein de l'OTAN mettent la résurgence des talibans sur le compte de la faible présence américaine en Afghanistan jusqu'en 2006, date à laquelle les forces de l'Alliance ont pris le contrôle des opérations.

En privé, plusieurs représentants de l'OTAN se montraient horrifiés des commentaires allégués de M. Gates, disant craindre qu'ils n'accentuent les tensions au sein de l'alliance militaire, alors que le Canada, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont généralement soutenu Washington dans ses efforts pour inciter des alliés plus réticents à en faire davantage pour combattre les talibans.

Environ 2500 militaires canadiens sont mobilisés dans la mission afghane, dont la majorité d'entre eux dans la province de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan. Depuis 2002, 78 Canadiens ont péri en Afghanistan, soit 77 militaires et un diplomate.

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