Des milliers d'Argentins expriment leur colère dans les rues
Buenos Aires - Des milliers d'Argentins ont manifesté hier dans les rues de Buenos Aires et bloqué les accès routiers vers la capitale pour réclamer des emplois et de quoi se nourrir, à l'occasion du premier anniversaire des émeutes qui ont entraîné la chute du gouvernement élu.
Les magasins avaient baissé leurs rideaux de fer par crainte de pillages. La police, qui avait interdit les abords du palais présidentiel de Buenos Aires, a patrouillé dans le centre-ville.D'après les organisateurs, cette manifestation pourrait être la plus importante depuis celle du 20 décembre 2001, dans un pays qui n'arrive pas à se dépêtrer de la profonde crise économique qui l'accable.
Au moins 27 Argentins avaient péri l'année dernière dans les émeutes qui ont entraîné la chute de l'impopulaire président Fernando de la Rua.
«Nous sommes venus sur cette place pour rendre hommage à nos martyrs», a déclaré Juan Carlos
Alderete, dirigeant d'un groupe de chômeurs, à la foule rassemblée devant les murs roses du palais présidentiel.
Des milliers d'autres chômeurs, qui représentent un cinquième de la population active argentine, ont défilé à plusieurs endroits du pays, depuis les provinces andines du Nord jusqu'à la célèbre station balnéaire de Mar del Plata.
Commerçants armés
Avant l'aube, une bombe libérant des tracts critiquant le Fonds monétaire international a explosé devant une filiale de la Citibank et de la compagnie espagnole Telefonica, à une trentaine de kilomètres de la capitale. Quelques vitres ont été brisées, mais la rue avait retrouvé son calme dans la matinée.
Certains commerçants arboraient une arme dans l'espoir de dissuader des pillages similaires à ceux de l'an dernier. D'autres ont préféré ne pas ouvrir dans la crainte d'une réédition des violences de l'an dernier.
Les manifestants ont exprimé leur colère contre les dirigeants politiques, coupables à leurs yeux des quatre années de récession, à l'aide de banderoles sur lesquelles était écrit: «Ils doivent tous partir.»
Armée de matraque, la police avait encerclé les supermarchés et les entrepôts de nourriture dans la banlieue d'Avellaneda.
«Les gens ont faim et sont en colère», a déclaré la propriétaire d'une épicerie, qui a seulement dit s'appeler Sandra. «Même si récemment les manifestations ont été pacifiques, on ne sait jamais», a-t-elle ajouté, l'oreille collée contre son poste de radio dans l'attente d'éventuelles émeutes.
Les États-Unis et l'Australie ont conseillé à leurs ressortissants d'éviter hier le centre de Buenos Aires.
Un Argentin sur deux vit sous le seuil de la pauvreté, et dans le nord, le plus affecté, des enfants sont morts de faim.
Appel au calme
Le gouvernement du président sortant Eduardo Duhalde, qui a promis une élection présidentielle anticipée le 27 avril, a lancé un appel au calme mais de nombreux Argentins craignaient des violences alors que des rumeurs accusent les partisans de l'ancien président Carlos Menem de vouloir créer du désordre à l'approche du scrutin, ce que Menem dément.
Lorsque Duhalde a accédé au pouvoir en janvier 2002, il était le cinquième dirigeant en deux
semaines.
«Nous nous joignons à ceux qui réclament moins de répression à l'encontre de ceux qui célèbrent la mémoire des victimes [de l'an passé]», a déclaré le responsable gouvernemental, Alfredo Atanasof. «Nous essayons de trouver un chemin pour sortir de cet enfer et pour remettre les choses en place.»
De nombreux salariés des banques ont préféré rester à l'écart du quartier des affaires hier tandis que d'autres ont troqué leur costume contre une tenue plus décontractée afin de passer inaperçus en cas de violences.
Après avoir été présentée comme un modèle économique par le Fonds monétaire international, dans les années 90, l'Argentine n'a pas pu faire face ce mois-ci à des échéances envers la Banque mondiale.