Le Commonwealth suspend le Pakistan

Des avocats détenus en vertu de l’état d’urgence célébraient hier leur remise en liberté.
Photo: Agence Reuters Des avocats détenus en vertu de l’état d’urgence célébraient hier leur remise en liberté.

Kampala — Le Pakistan a été suspendu hier du Commonwealth à l'issue de l'expiration d'un ultimatum portant notamment sur la levée de l'état d'urgence décrété le 3 novembre dans ce pays, a annoncé le secrétaire général de l'organisation, Don McKinnon.

«Le CMAG [comité ministériel d'action du Commonwealth] a suspendu le Pakistan avec effet immédiat du conseil du Commonwealth en attendant la restauration de la démocratie et de l'autorité de la loi» dans ce pays, a annoncé M. McKinnon en lisant le communiqué final à Kampala.

«Le CMAG est tombé d'accord sur le fait que, malgré les progrès [accomplis] par le Pakistan depuis sa dernière rencontre, la situation au Pakistan continue de représenter une sérieuse violation des valeurs politiques fondamentales du Commonwealth», a expliqué le secrétaire général.

Le Canada était du nombre des pays qui réclamaient la suspension du Pakistan comme membre du Commonwealth. Le premier ministre Stephen Harper a fait connaître la position canadienne très peu de temps après son arrivée à Entebbe.

M. McKinnon s'exprimait à quelques heures de l'ouverture ce matin dans la capitale ougandaise du sommet des chefs d'État et de gouvernement du Commonwealth et à la suite d'une réunion du comité spécial de neuf ministres des Affaires étrangères du Commonwealth.

La Cour suprême du Pakistan, complètement remaniée sous l'état d'urgence, a rejeté hier un ultime recours de l'opposition, ouvrant la voie à la proclamation officielle du deuxième mandat du général Moucharraf, en tant que «président en civil» cette fois.

Le dernier recours contre le scrutin du 6 octobre «est rejeté», a annoncé à la mi-journée hier le nouveau président de la Cour suprême, le juge Abdul Hameed Dogar.

Dès que la Commission électorale aura annoncé officiellement la victoire de M. Moucharraf à la présidentielle du 6 octobre dernier, ce qui n'est qu'une formalité, la cérémonie d'investiture pourra avoir lieu, probablement en début de semaine prochaine, selon l'entourage du président.

Auparavant, ce dernier aura sans doute démissionné de son poste de chef des armées, ce qu'il a promis de faire à de nombreuses reprises, mais dès qu'il serait officiellement réélu.

Il aura cédé en cela aux intenses pressions de la communauté internationale, en particulier de Washington, qui souhaitait un retour à la démocratie avec un président en civil, mais pas complètement à celles de l'opposition, qui réclame toujours la levée de l'état d'urgence décrété par M. Moucharraf il y a près de trois semaines.

Cependant, toujours divisée, l'opposition ne parvient pas à se fédérer derrière la menace d'un boycottage du scrutin, en particulier l'ex-première ministre Benazir Bhutto, qui hésite après avoir longtemps tenté de négocier un accord de partage du pouvoir avec le général Moucharraf.

Le général Moucharraf, au pouvoir depuis un coup d'État il y a huit ans mais confirmé dans ses fonctions de président en 2002 par le Parlement, avait été réélu triomphalement le 6 octobre au suffrage indirect des assemblées nationales et provinciales sortantes, qui lui étaient tout acquises.

Louise Arbour, haute commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, a pour sa part déclaré hier que le pouvoir pakistanais doit rétablir dans leurs fonctions la totalité des magistrats destitués après l'instauration de l'état d'urgence, faute de quoi le pays connaîtra une «forme dévoyée de démocratie» au sein de laquelle le système judiciaire sera inféodé à l'exécutif.

Arbour estime que le Pakistan souffre d'un «terrible déficit de gouvernance» sans appareil judiciaire libre. «Il ne suffit pas d'aller vers des élections libres et équitables si la totalité des juges qui ont été destitués ou suspendus ne sont pas pleinement rétablis dans leurs fonctions», a-t-elle déclaré à Dublin.

«Sans quoi nous assisterons à une forme particulièrement dévoyée de démocratie, au sein de laquelle l'appareil judiciaire sera totalement inféodé à l'exécutif», a-t-elle dit.

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