Une nouvelle filière afghane - Comment les talibans s'arment-ils ?
L'hiver dernier, la police afghane interceptait dans la province septentrionale de Baghland une Toyota Corolla remplie de fusils Kalachnikov. Deux hommes ont été arrêtés, soupçonnés d'acheter des armes pour le compte de la résistance talibane qui sévit dans le sud de l'Afghanistan.
L'incident, rapporté par une ONG basée à Londres, l'Institute for War & Peace Reporting (IWPR), a mis en lumière une nouvelle dimension, inquiétante pour le régime déjà fragile du président Hamid Karzaï, dans la façon dont les talibans s'approvisionnent en armes. Si les principaux soupçons continuent de se porter sur le Pakistan voisin, une série de saisies d'armes effectuées au nord, fait valoir l'IWPR, indique qu'une partie de l'arsenal taliban provient aujourd'hui d'une source qu'on n'aurait pas imaginée il y a dix ans: les anciens ennemis de l'Alliance du Nord.L'Alliance
Au grand dam du président Karzaï et des forces de l'OTAN, le contrôle des provinces du nord demeure à ce jour aux mains de groupes armés dont plusieurs sont des vétérans de la résistance moudjahidine à l'occupation soviétique dans les années 80. Plusieurs de ces groupes se sont rassemblés sous l'Alliance du Nord en 1996 pour résister à l'arrivée au pouvoir des talibans. Après le 11-Septembre, Washington a soutenu militairement l'Alliance contre les talibans.
Avec le résultat qu'au moins un million d'armes, fournies au cours des 25 dernières années par la CIA, l'Iran et la Fédération de Russie, circuleraient actuellement dans le nord du pays, malgré les efforts de désarmement du gouvernement Karzaï. Pour des raisons notamment politiques, les seigneurs de la guerre préfèrent aujourd'hui vendre leurs armes aux talibans — et donner un coup de pouce à leur résistance — que de les céder à un gouvernement central dont ils rejettent l'autorité.
Des complices
Selon des sources au sein des services de renseignement afghans, citées par l'IWPR, les transferts d'armes du nord vers le sud sont en croissance. De l'avis de spécialistes, ces transferts ne pourraient pas avoir lieu sans la complicité de policiers et de fonctionnaires corrompus.
Ces ventes d'armes s'inscrivent dans un contexte où les talibans, militairement affaiblis dans la foulée immédiate de leur renversement, fin 2001, disposent maintenant d'un arsenal considérablement amélioré, comprenant des armes automatiques modernes et des missiles sol-air. Des informations réunies par Asia Times Online montrent que les talibans ont notamment refait leurs forces en resserrant leurs liens avec la résistance irakienne mais aussi avec les Tigres tamouls, au Sri Lanka, ceux-ci contrôlant des réseaux sophistiqués de contrebande et d'approvisionnement auprès des trafiquants d'armes.
Les armes sont payées comptant ou alors en drogues distribuées principalement sur les marchés des pays scandinaves et de la Thaïlande, ce pays constituant une des bases traditionnelles utilisées par les Tigres pour faire passer des armes. C'est dire par ailleurs que les talibans ont fort efficacement développé leurs relations d'affaires avec les seigneurs de la guerre qui font le trafic d'opium. Début septembre, l'ONU indiquait du reste que les récoltes de pavot allaient battre des records en 2006 dans le pays, faisant dire au chef de son bureau antidrogue que la situation était «hors de contrôle».