Le test de lundi reste entouré de mystère

La Corée du Nord a certes annoncé avoir procédé à son premier essai nucléaire: les capteurs séismiques du monde entier ont bien enregistré des secousses correspondant à celles d'un essai de faible puissance.
La question demeure toutefois: que s'est-il passé exactement lundi?Les estimations officielles, de même que les opinions d'experts, divergent en effet considérablement sur la puissance (et dans certains cas sur la réalité même) du test nucléaire nord-coréen.
L'institut géologique américain (US Geological Survey) de même que les gouvernements russe, sud-coréen et chinois ont tous dit avoir détecté un «tremblement de terre artificiel» lundi à 10h35, heure de l'Extrême-Orient (dimanche à 21h35, heure avancée de l'Est), à 240 milles au nord-est de Pyongyang, près d'un site militaire qui avait déjà été utilisé pour des essais de missiles.
Au lendemain de cette annonce, la plupart des experts et des pays concernés ne savent toujours pas s'il s'agissait d'un petit engin nucléaire, d'un essai raté d'un engin plus puissant ou même d'une explosion non nucléaire.
L'institut géologique américain a enregistré une secousse de magnitude 4,2, ce qui correspondrait à l'explosion d'une bombe d'une kilotonne (l'équivalent de mille tonnes de TNT) au maximum. La Corée du Sud a fait état d'une magnitude 3,58, ce qui correspondrait à une bombe encore plus petite.
À titre de comparaison, la bombe larguée en 1945 sur Hiroshima a dégagé une puissance estimée entre 13 et 16 kilotonnes et celle qui a frappé Nagasaki, une puissance d'environ 21 kilotonnes.
Jusqu'à présent, seule la Russie a affirmé avec certitude qu'il s'agissait d'un essai nucléaire. Selon un haut gradé russe cité par l'agence Itar-Tass, «il est certain à 100 % qu'il s'agit d'une explosion nucléaire souterraine.»
Quoi qu'il en soit, un enregistrement sismique n'est pas la preuve que l'explosion est nucléaire et personne n'a signalé de radiations.
La Corée du Nord aurait-elle pu avoir fait exploser entre 500 et un millier de tonnes de TNT pour simuler une explosion nucléaire? La réponse, de l'avis des experts, est oui.
Les test de radioactivité menés dans la région de la péninsule devraient permettre au cours des prochains jours de dire si un essai nucléaire a vraiment eu lieu.
Des explosions atomiques de faible puissance sont possibles, mais une technologie plus avancée est nécessaire pour produire des bombes «tactiques» assez petites pour être montées sur des missiles. Si la Corée du Nord a volontairement fait exploser un petit engin atomique, cela indiquerait une maîtrise déjà élevée de la technologie permettant d'envisager une prochaine intégration dans un missile balistique.
Le gouvernement américain a été informé des constatations du US Geological Survey environ une heure après l'explosion et quelques minutes avant l'annonce officielle faite par la télévision nord-coréenne.
«Les Nord-Coréens, lorsqu'ils ont appelé les Chinois peu avant de conduire leur essai, ont dit que celui-ci serait de quatre kilotonnes», écrivait hier le Washington Post, en citant un responsable américain ayant souhaité garder l'anonymat.
À Washington, la Maison-Blanche a indiqué hier n'avoir toujours pas la confirmation formelle d'un essai nucléaire et n'a pas exclu de ne jamais l'obtenir. «Cela peut prendre du temps. C'est une entreprise compliquée», a déclaré le porte-parole présidentiel Tony Snow.
Le Japon reste lui aussi sceptique. «Il est difficile de dire» s'il y a bel et bien eu un test nucléaire, a déclaré le premier ministre Shinzo Abe au Parlement.
La Corée du Sud a jugé l'essai authentique mais précisé qu'il faudrait deux semaines pour déterminer s'il a été ou non couronné de succès.
Un diplomate nord-coréen à Pékin, cité par un journal sud-coréen, aurait admis que l'essai nucléaire avait été d'une puissance moins importante que celle prévue, mais il a ajouté que Pyongyang était capable de faire exploser un engin plus puissant.
Toute cette incertitude conduit Robert Karniol, du Jane's Defense Weekly, à inviter chacun à la prudence: «Toutes les apparences semblent indiquer que ce qu'ils disent est vrai, mais tout le monde devrait faire preuve de prudence et ne pas faire de déclarations définitives avant d'avoir davantage de données.»