Désarmement de l'Irak - Washington commence à faire marche arrière aux Nations unies

New York - Face à la ferme opposition d'un grand nombre de pays, dont la France et la Russie, Washington a finalement plié. Les États-Unis renoncent à menacer l'Irak d'un recours automatique à la force en cas d'entrave au travail des inspecteurs en désarmement, a-t-on appris hier de sources diplomatiques occidentales.

Les représentants américains à l'ONU sont désormais disposés à une formule de compromis qui permettrait au Conseil de sécurité de l'ONU de sortir du blocage actuel et d'adopter une résolution sur l'Irak, ont précisé ces diplomates.

La position de Washington est maintenant assez proche de la démarche en deux étapes prônée par la France depuis le début: dans un premier temps, tester la volonté de Bagdad de coopérer sur le terrain avec les inspecteurs de l'ONU, et dans un second temps seulement, si l'Irak entrave leur travail ou ne désarme pas, revenir devant le Conseil de sécurité pour un nouveau débat et une éventuelle nouvelle résolution autorisant cette fois le recours à la force.

Jusqu'à présent, les États-Unis — soutenus par la Grande-Bretagne — exigeaient que figure, dès la prochaine résolution, l'autorisation de recourir à la force contre l'Irak en cas de mauvaise coopération de Bagdad avec les inspecteurs en désarmement de l'ONU.

À Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov a confirmé que Washington et Londres soumettront rapidement de nouvelles propositions afin de parvenir à un consensus au Conseil de sécurité.

Le secrétaire d'État américain Colin Powell a informé son homologue russe que ces nouvelles propositions tiendront compte du point de vue de Moscou et seront présentées aujourd'hui ou demain aux autres membres permanents du Conseil de sécurité. «Nous sommes impatients de voir ce document», a déclaré M. Ivanov en estimant qu'il existe désormais des «conditions favorables» à un accord à l'ONU sur une nouvelle résolution.

Dans un entretien téléphonique avec M. Ivanov, M. Powell «a souligné que les États-Unis souhaitent parvenir à un consensus parmi les cinq membres du Conseil de sécurité de l'ONU afin de mettre en oeuvre toutes les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'Irak».

Le nouveau compromis proposé par Washington renonce à menacer l'Irak explicitement et ouvertement, mais les diplomates occidentaux, qui s'exprimaient sous le couvert de l'anonymat, ont précisé qu'une menace de conséquences serait implicitement contenue dans le texte.

En visite à Beyrouth, au Liban, à l'occasion du neuvième sommet de la Francophonie, le président Jacques Chirac a réaffirmé la position française, hostile à toute résolution prévoyant un recours automatique à la force. «L'option militaire, ultime recours, n'est pas une fatalité, a déclaré le président français. Faisons d'abord le pari de la responsabilité et de la sécurité dans la paix.»

Jacques Chirac a réitéré la volonté de la France d'agir «dans le cadre des Nations unies qui, elles seules, assurent la légitimité de toute action». «C'est une nécessité à la fois morale et politique», a-t-il martelé. Dans ce cadre, Jacques Chirac a estimé que «toutes les résolutions mais rien que les résolutions» de l'ONU «devaient être appliquées».

Selon des diplomates, la France étudie la nouvelle proposition américaine. Toutefois, «nous ne sommes pas dans une position de rupture», a expliqué l'un d'eux en précisant que les contacts franco-américains se sont poursuivis à différents niveaux.

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