Paysage politique éclaté au Pakistan
Islamabad - Le Pakistan s'acheminait hier vers un Parlement où aucun parti ne disposerait d'une majorité absolue, au vu des résultats partiels annoncés par la commission électorale et qui donnent un avantage au parti proche du régime militaire.
Sur environ les deux tiers des sièges attribués par suffrage direct (272 alors que 70 sièges «réservés» aux femmes et aux minorités seront attribués la semaine prochaine), la Ligue musulmane pakistanaise-Quaid (PML-Q proche du régime) comptait 54 élus.Le Parti populaire pakistanais (PPP, de l'ancien premier ministre Benazir Bhutto et principal parti d'opposition) avait 39 députés et la Ligue musulmane pakistanaise-Nawaz (PML-N, de l'ancien premier ministre Nawaz Sharif) 12, alors que la surprise venait d'une coalition de six partis religieux qui obtenait 34 sièges.
Le PPP et la PML-N ont d'ailleurs rejeté hier après-midi les élections, les premières depuis le coup d'état militaire du général Pervez Musharraf en octobre 1999, lorsqu'il avait renversé Nawaz Sharif. Invoquant des bourrages d'urnes et des résultats peu crédibles, les deux partis traditionnels du Pakistan avaient un temps envisagé de constituer une alliance au Parlement pour chasser la dictature militaire.
Mme Bhutto a demandé de nouvelles élections organisées de «manière indépendante» alors que la PML-N a estimé que les religieux avaient bénéficié du soutien du gouvernement.
La principale surprise du scrutin est venue de l'alliance des partis religieux, dont la majorité des élus l'ont été dans les zones tribales de l'ouest du Pakistan, proches de la frontière afghane.
L'alliance Muttahidda Majlis-e-Amal (MMA) a créé la surprise alors que le régime du président Musharraf mène une traque aux islamistes et extrémistes. Coalisés pour la première fois en plusieurs années d'existence, ces partis hétéroclites n'ont en commun que la défense de l'Islam et de ses traditions.
Leur campagne a grandement porté sur le rejet de la présence américaine au Pakistan et celui de la campagne en cours en Afghanistan voisin.
L'annonce de leur succès inespéré a d'ailleurs immédiatement fait chuter de trois points la Bourse de Karachi, où les opérateurs craignaient que l'attitude anti-occidentale des religieux dissuade les investisseurs étrangers du Pakistan. Les religieux se retrouveront en tout cas en position d'arbitre dans le prochain Parlement, qui devra nommer le premier ministre auquel le général Musharraf doit remettre le pouvoir début novembre.
Les observateurs électoraux du Commonwealth ont accordé un satisfecit au scrutin de la veille, estimant avant même la fin de la proclamation des résultats qu'il a été «clair pour l'essentiel».