Avec le profond malaise que l'on ne peut que ressentir dès les premières minutes de ce documentaire vient, inévitablement, la recherche d'un mot pour décrire l'ahurissant spectacle. Et le mot, c'est le narrateur lui-même qui se charge de le lâcher: grotesque. Ce pays, la République populaire (!) de Corée, ce système, le culte névrotique de la personnalité voué à un mégalomane fou furieux, cette tragédie, l'une des plus honteuses de notre temps, sont proprement grotesques.

Ne va pas en Corée du Nord qui veut, aussi est-ce après avoir attendu une autorisation pendant six ans qu'une équipe de la télévision néerlandaise a pu se rendre explorer la contrée la plus isolée du monde, la pointe aux accents moyenâgeux de ce que l'ami W. a appelé l'«Axe du Mal». Enfin, explorer est un grand mot puisque tous les déplacements ont été faits et toutes les images ont été tournées sous surveillance si maladivement stricte que l'ombre de Kafka plane sur l'ensemble du reportage.

Il y en a tout de même assez pour parler d'un voyage au bout de l'absurde: un luxe monumental et vide qui cache une pauvreté sans nom qui a fait des millions de morts, une propagande abrutissante, une dictature communiste héréditaire (du «Grand Camarade Guide» Kim Il-Sung à son fils Kim Jong-Il) criminelle, bref une démentielle machine à broyer des humains et n'ayant d'autre raison d'être que de se maintenir elle-même. Cela donne des trucs surréalistes, comme une loi interdisant de croiser le regard d'un étranger (pour peu qu'il y en ait), des stations de métro nommées Renaissance, Gloire et Paradis et un calendrier officiel débutant le jour de la naissance de Kim Il-Sung. À voir pour n'en pas revenir.

Les Grands Documentaires - Bienvenue en Corée

Télé-Québec, 20h