Oriana Fallaci devant la justice française
Paris - Les avocats de la journaliste italienne Oriana Fallaci, attaquée en justice par plusieurs associations de lutte contre le racisme pour son pamphlet polémique La Rage et l'Orgueil, ont défendu hier devant le Tribunal de grande instance de Paris son droit à un «anti-islamisme primaire».
Oriana Fallaci et les Éditions Plon étaient assignées au civil pour «provocation à la haine raciale» à propos du dernier livre de la journaliste italienne, La Rage et l'Orgueil, écrit au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et qualifié à sa sortie de «brûlot islamophobe». Le jugement sera rendu le 20 novembre.L'assignation a été déposée au départ par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), qui demande l'interdiction pure et simple du livre, rejoint ensuite par la LICRA et la Ligue des droits de l'homme (LDH), qui réclament seulement l'insertion d'une mise en garde dans l'ouvrage et la publication de la condamnation dans différents journaux.
Légende du journalisme international, Mme Fallaci, 72 ans, gravement malade, vivant actuellement à New York, s'en prend très violemment dans son livre à la culture musulmane, qu'elle considère comme inférieure à la culture occidentale, et multiplie les phrases à l'emporte-pièce, comme «les fils d'Allah se multiplient comme des rats».
Pour ses avocats, il ne s'agit aucunement d'un brûlot antimusulman mais d'«une certaine forme d'anticléricalisme». «C'est un ouvrage qui replace dans un contexte géopolitique, dans un contexte historique, un certain nombre d'événements», et constitue «une dénonciation de la montée de l'intégrisme», a plaidé Me Christophe Bigot.
«Faux!», ont rétorqué les avocats des associations antiracistes, «il s'agit d'un discours enragé, de violence, de manichéisme primaire», qui «essaie de faire croire qu'il n'existe qu'une bonne civilisation, la civilisation occidentale», a argumenté Me Patrick Baudoin, défenseur de la LDH.
«Si vous prenez le livre d'Oriana Fallaci et si vous mettez le mot "juif" à la place du mot "musulman", vous retrouvez la littérature des années 30», a martelé Me Ahcène Taleb pour le MRAP.
Pour Me Charles Korman, avocat de la LICRA, ce livre constitue même un appel au meurtre. «Il permet de passer de la détestation à la tuerie», a-t-il considéré, prenant en exemple le meurtre raciste d'un Français d'origine marocaine, âgé de 17 ans, vendredi dernier près de Dunkerque.
Il s'en est aussi pris à l'éditeur, estimant que «Plon a fait du fric sur le dos d'une population», et a demandé au tribunal de le condamner lourdement parce qu'il se «moquerait d'une petite condamnation».
Toute la première partie de l'audience a par ailleurs été consacrée à l'examen d'une multitude de nullités procédurales, un véritable «sac de noeuds», selon les avocats, qui pourrait cependant entraîner l'échec de toute la procédure au moment du jugement, estiment certains d'entre eux.