Bilan contrasté de la campagne américaine en Afghanistan
Kaboul — Un an jour pour jour après le début des bombardements américains sur l'Afghanistan, les États-Unis tiraient hier un bilan contrasté de leur intervention. Ils peuvent légitimement mettre à leur actif le renversement du régime taliban, honni par une bonne partie de la population.
En revanche, les Américains courent le risque d'un enlisement, auquel s'ajoute l'embarras de n'avoir toujours pas mis la main, «mort ou vif» comme l'avait ordonné leur président, sur Oussama ben Laden.Malgré la nomination d'un gouvernement d'union qui, s'il ne représente pas la volonté populaire, bénéficie d'un large soutien, l'Afghanistan menace encore de sombrer dans le chaos et le bain de sang qui ont constitué son ordinaire au cours des dernières décennies.
La fragilité du gouvernement d'Hamid Karzai a été ainsi dramatiquement mise en évidence début septembre quand le président afghan a échappé de justesse à un attentat. Surtout, la campagne militaire menée par les États-Unis pour débusquer les membres du réseau al-Qaïda, tenu pour responsable des attentats du 11 septembre 2001, repose en partie sur des alliances peu avouables avec les chefs de guerre locaux.
Or, certains d'entre eux semblent bien plus intéressés par les conquêtes territoriales leur permettant d'asseoir leur pouvoir que par les moyens de stabiliser l'avenir à long terme de leur pays.
Les observateurs soulignent ainsi toute l'ambiguïté de la politique américaine en Afghanistan où Washington tente, d'une part, d'asseoir l'autorité nationale de la nouvelle administration, mais s'appuie, d'autre part, sur les chefs de guerre locaux dont la contestation plus ou moins ouverte de cette autorité fait le lit des extrémistes traqués par les États-Unis.
«Ce fut un succès militaire dans le sens où les taliban et al-Qaïda ont été vaincus», juge Ahmed Rashid, spécialiste de l'Afghanistan installé au Pakistan, quand il est interrogé sur l'année écoulée. «Mais la stratégie des États-Unis n'a pas considérablement évolué depuis l'année dernière. Il faut désormais davantage insister sur une stratégie politique et économique pour renforcer le gouvernement central à Kaboul ainsi que l'économie. La vraie bataille doit maintenant être menée sur un autre front», ajoute cet expert.
Aucune cérémonie ou festivité n'a été organisée hier en Afghanistan pour le premier anniversaire du début de l'opération américaine, saluée la veille au soir comme une «libération» par le ministre afghan des Affaires étrangères, le Dr Abdoullah Abdoullah. Le gouvernement central a cependant décidé de lancer une nouvelle monnaie.
Mais les États-Unis ne semblent toutefois pas décidés à modifier leur stratégie, essentiellement tournée vers les opérations militaires. Interrogé par Reuters sur ce point, l'ambassadeur américain en Afghanistan s'est montré très clair. «Notre programme pour l'avenir est le même que notre programme actuel. Il s'agit de poursuivre les opérations contre al-Qaïda et les taliban pour s'assurer qu'ils ne puissent plus utiliser l'Afghanistan comme base arrière à de nouvelles opérations», a déclaré Robert Finn, ajoutant que «la guerre n'est assurément pas terminée».
Pour Ustad Jalal, professeur de science politique à l'université de Kaboul, ce programme n'est pas suffisant. «Le seul espoir de paix et de sécurité, c'est que les gens aient le droit de choisir leurs propres dirigeants, affirme-t-il. Pour de nombreux observateurs, la politique américaine en Afghanistan reste encore mal définie. Surtout, Washington s'est détourné à leurs yeux de la question afghane pour se concentrer sur l'Irak.