Anciens documents rendus publics par la police britannique - Orwell était surveillé par Big Brother!
George Orwell (1903-1950) n'avait pas à aller très loin pour trouver l'inspiration nécessaire à l'écriture de son 1984. D'anciens documents rendus publics récemment par la police britannique montrent que le créateur de Big Brother a été suivi de très près durant plus de 12 ans par la police métropolitaine de Londres, a rapporté hier le quotidien londonien The Guardian.
Héros du mouvement de gauche au Royaume-Uni, l'écrivain éveille les premiers soupçons des forces de l'ordre en 1936, lorsqu'il entreprend un voyage au nord de l'Angleterre pour étudier les conditions de vie de la classe ouvrière dans le but d'écrire son roman Le Quai Wigan. Thomas Pey, alors chef de police de la localité de Wigan, avertit Scotland Yard de la présence d'Eric Blair — le vrai nom de George Orwell —, un individu «qui loge dans un quartier ouvrier, dans un appartement relié au Parti communiste». «À en juger par son style de vie, ajoute Pey dans son rapport, il s'agit d'un écrivain ou de quelqu'un qui a quelque chose à voir avec la littérature, car il passe le plus clair de son temps à écrire et il reçoit une grande quantité de lettres.» Parmi les activités d'Orwell à Wigan, le rapport fait mention de cueillette de données telles que «les noms des églises locales, mais aussi de l'information concernant les mines et les usines».En 1937, la police rapporte qu'Orwell quitte le pays pour se joindre aux milices marxistes indépendantes qui combattent Franco en Espagne. Les services de sécurité anglais s'intéressent encore à son cas en 1941, lorsque l'auteur écrit la critique d'un livre publié par Richard Terrell, «un communiste bien connu».
En 1942, alors qu'il est employé à la section indienne de la BBC à Londres, la division spéciale d'investigations rapporte qu'Orwell était pratiquement sans le sou avant de trouver cet emploi, et qu'il s'habille «comme un bohémien, autant au bureau qu'en ses moments de loisir».
Ces documents sur la filature de George Orwell par la police spéciale présentent de saisissants parallèles avec le roman 1984, dont le héros, Winston Smith, défie Big Brother et la police de la pensée. Leur publication place ainsi l'oeuvre de l'écrivain au coeur de l'actualité.
«De son poste d'observation, écrivait Orwell en 1948, Winston pouvait encore déchiffrer sur la façade l'inscription artistique des trois slogans du Parti: "La guerre c'est la paix", "La liberté c'est l'esclavage", "L'ignorance c'est la force".» Aujourd'hui, en 2005, il est facile de voir en Orwell un visionnaire ou un prophète, et de faire nôtres ses préoccupations éthiques et celles de ses personnages.
Collaboration spéciale