Retour à Hamlet

De la découverte par un adolescent de la rigueur de l'hiver en Pennsylvanie jusqu'aux débordements des instincts et des désirs d'un couple en quête de règles, John Updike a su dresser dans ses nombreux romans le portrait d'une certaine société américaine. Il a tenté de dépeindre une Amérique protestante dont il est issu, dont le puritanisme suscite, jusqu'aux excès, des quêtes de liberté. Sans la juger moralement, il installe un miroir où cette société peut se regarder et prendre acte de ses errances et des impasses qu'elle affronte.

Son dernier roman, Gertrude et Claudius, ne s'inscrit qu'indirectement dans cette oeuvre abondante et remarquable. Puisant sa documentation dans des ouvrages du XVIe siècle, il reconstitue le milieu historique qui a donné naissance à Hamlet. Le Danemark médiéval, dans sa rigueur formelle, ressemble à une société américaine naissante. Updike n'établit pas de parallèle entre son pays et le royaume scandinave. Le personnage central de ce roman historique est Gertrude, la mère de Hamlet. Fille de monarque, son père la marie, alors qu'elle est encore adolescente, à son successeur, le futur roi du Danemark. Rude, sans raffinement, Roderick l'aime et tente d'exprimer ses sentiments, tout dépourvu qu'il est de douceur et de raffinement.

La reine donne naissance à un fils, Hamlet. Fils unique, d'un caractère étrange, il quitte sa famille et le château d'Elseneur pour se rendre à Wittenberg. Gertrude ne peut pas lui donner des frères et des soeurs et, à quarante ans, elle s'ennuie et découvre dans les bras de Claudius, le frère de son époux, les ressources sensuelles de l'amour. Le roi découvre l'adultère et Claudius, pour échapper à sa vengeance et demeurer auprès de la femme qu'il aime, empoisonne son frère. On attribue la mort du monarque à un accident cardiaque et son frère lui succède sur le trône. Un an plus tard, celui-ci épouse Gertrude.

Hamlet ne fait une apparition qu'à la fin du roman. L'adolescente Ophélie en est amoureuse et ne parvient pas à suivre ses mouvements d'humeur. Le roman se termine là où commence l'oeuvre de Shakespeare.

Ce roman dépeint une femme, fille de roi et deux fois reine. Adolescente, elle est obéissante et ignorante des ressources et des exigences de son corps. Mère, elle découvre la puissance de la passion dans une relation adultère. Son amant, devenu son mari, lui cache le secret de la mort de son mari, ce que semble deviner Hamlet, sans le dire.

Le roman est écrit d'une main de maître. On peut le lire sans tenir compte de la pièce de Shakespeare, comme un roman historique ou tout simplement comme une histoire d'amour. Ce qui ne nous empêche aucunement de le lire comme introduction à la célèbre tragédie.

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Gertrude et Claudius

John Updike

Traduit de l'anglais par Michèle Albaret-Maatsch

Le Seuil

Paris, 2004, 232 pages

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