Polar - Le blues du commissaire

Le commissaire Montalbano en a jusque là! Nous sommes quelques mois après la rencontre du G8, à Gênes, celle où un manifestant a été tué et où les policiers sont intervenus dans une école durant la nuit pour mater de «dangereux activistes». L'histoire commence au moment où l'on vient d'apprendre que l'escouade d'intervention s'est rendue coupable de violences diverses et surtout que la preuve légitimant toute l'opération policière a été fabriquée de toutes pièces. Montalbano est furieux, ulcéré, honteux. Et devant la mer, chez lui à Marinella, il prend la résolution de démissionner. Pour de bon.

Une fois bien décidé et pour se refroidir un peu les esprits, Montalbano enfile son maillot, plonge dans la mer alors que le jour se lève à peine... et bute sur un cadavre qui flotte dans la baie. Cet étrange noyé qui porte des marques de fil de fer aux poignets et aux chevilles amènera évidemment le commissaire à reporter sa décision. Et c'est entouré de ses collègues habituels — l'ineffable Catarella, Fazio et Mimi — que Montalbano se mettra à déchiffrer par toutes petites touches cette histoire de mafioso déchu à laquelle se mêlera bientôt une sordide affaire d'immigrants clandestins et, pire encore, de jeunes enfants revendus comme esclaves.

Comme toujours, c'est la langue de Camilleri qui donne sa saveur particulière aux aventures du commissaire sicilien et de ses acolytes. Et comme toujours aussi, on aura avantage à relire la préface d'usage dans laquelle le traducteur explique que le succès de Camilleri repose en Italie sur le fait qu'il se promène allègrement entre trois niveaux de langue (le dialecte sicilien, l'italien conventionnel et l'italiano-sicilien) difficilement traduisibles en français. Certains s'accrocheront peut-être dans les «pinsées» du commissaire ou encore dans les tournures bizarroïdes qui émaillent le parler de Catarella, mais les amateurs se régaleront de cette histoire étrangement actuelle où la violence et l'horreur se conjuguent à l'ordinaire. Comme dans la vraie vie...

D'autant plus qu'on y rencontrera un Montalbano à la limite de la caricature... comme si l'influence de Catarella — et du terroir — se faisait de plus en plus forte sur lui. Oh, ce n'est pas que le récit de Camilleri se transforme en farce, loin de là, mais son commissaire se laisse ici aller à des accès de colère et de langage qu'on ne lui connaissait pas. Approcherait-il vraiment de l'heure de la retraite?

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LE TOUR DE LA BOUÉE

Andrea Camilleri

Fleuve noir

Paris, 2005, 234 pages

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