Des livres à savourer sous le soleil

Quoi de mieux, à la belle saison, que de se perdre en contemplation devant le fleuve ? C’est l’invitation que nous lancent les nouvellistes Camille Deslauriers, Joanie Lemieux et Valérie Provost dans le recueil Ce que je sais des berges (Éditions de la Pleine lune, 13 juin). En 21 récits, dont l’un a été finaliste au Prix de la nouvelle de Radio-Canada, elles convient les lecteurs dans le Bas-du-Fleuve, principalement à la Pointe-aux-Anglais, sur les traces de divers personnages de tous âges, en voguant du réalisme à l’onirisme.
Dans La soif que j’ai (Cheval d’août, 14 août), où il nous transporte à Sherbrooke, Marc-André Dufour-Labbé, qui publiera aussi un roman jeunesse, Carreauté Kid (Leméac, 16 août), s’inspire du rock et du cinéma des années 1990 pour tracer le portrait d’un voyou reconverti en vendeur de voitures… et de pot dans une résidence pour personnes âgées. Père de famille monoparentale, il trouve le temps de gérer les peines de coeur de ses chums de brosse. Bientôt, il risque de perdre la garde de sa fille d’un an.
« Les enfants naissent dans les choux, on peut acheter des choux à l’épicerie, on peut acheter des enfants. » Professeur au Département d’études littéraires de l’UQAM, Louis-Daniel Godin signe un premier roman, Le compte est bon (La Peuplade, 16 août), qui s’annonce joyeusement désarmant, tant par son oralité et son rythme, emprunté à Hervé Guibert, que par les réflexions sur l’argent et sur l’amour d’un enfant issu de la pauvreté, Jean-Daniel, adopté comme Loulou, sa poupée Bout d’chou.
Chez nos voisins
La pandémie aura inspiré à la prolifique Jodi Picoult (Mille petits riens, Actes Sud, 2018) un récit où elle s’intéresse aux tours que joue le destin. Occupant un emploi de rêve, Diana, presque 30 ans, n’attend plus que son amoureux la demande en mariage. Alors que le couple s’apprête à se rendre aux îles Galápagos, lui est retenu à l’hôpital, mais insiste pour qu’elle se rende à destination. Hélas ! L’action de J’aimerais tant que tu sois là (traduit par Marie Chabin, Actes Sud, en librairie) se déroule début 2020…
Quand ce n’est pas une pandémie qui bouleverse le destin, c’est une guerre ou un ouragan. Premier roman d’Eric Nguyen, La solitude des tempêtes (traduit par Clément Baude, Albin Michel, 21 juin) raconte le destin de Hýõng, Vietnamienne arrivée à La Nouvelle-Orléans en 1978. Tandis que l’aîné, nostalgique de son pays natal, joint un gang vietnamien, le cadet, qui se sent Américain, rêve d’être écrivain et de sortir du placard. En 2005, l’ouragan Katrina rapprochera, à leur corps défendant, la mère et ses fils.
Second volet du diptyque amorcé avec Le passager (L’Olivier, 2023), StellaMaris (traduit par Serge Chauvin, L’Olivier, 23 juin), du vénérable Cormac McCarthy, se déroule 10 ans plus tôt, soit en 1972, à Black River Falls, au Wisconsin. On y suit les conversations entre Alicia Western, brillante mathématicienne d’une grande beauté traumatisée par la participation de son père, un physicien, au développement de la bombe atomique, et le docteur Cohen, son psychiatre, à l’institut Stella Maris où la première est internée.
Une semaine après avoir été mise à la porte par Simon, chez qui elle vivait à Long Island, Alex n’a plus un sou et ne sait où aller. Elle retourne alors chez Simon, en pleine célébration de la fête du Travail. Célèbre pour The Girls (Quai Voltaire, 2016), son premier roman, où elle s’intéressait aux jeunes femmes de la famille Manson, lequel fera bientôt l’objet d’une série télé, Emma Cline est de retour avec L’invitée (traduit par Jean Esch, La table ronde, 28 juin).
D’Outre-Atlantique
Dans Soleil oblique et autres histoires irlandaises (traduit par Marie Hermet, Albin Michel, 21 juin), Donal Ryan (Tout ce que nous allons savoir, Albin Michel, 2019) scrute l’âme irlandaise dans une vingtaine de nouvelles bouleversantes, mais non dénuées d’humour, peuplées de personnages aussi complexes que truculents, qu’il situe au pub du coin, dans une maison de retraite ou sur les quais.
Ayant dû abandonner ses études pour s’occuper de son père malade, Maria est devenue, à l’instar des autres filles du village, une « porteuse » de denrées et de munitions depuis le début de la Grande Guerre. Hommage au courage des femmes en temps de guerre, Fleur de roche (traduit par Johan-Frederik Hel Guedj, Stock, 31 juillet), d’Ilaria Tuti (Fille de cendre, Robert Laffont, 2023), nous transporte dans le Frioul italien menacé par les bombes autrichiennes.
Journaliste spécialisé dans la chronique judiciaire et le fait divers, Dimitri Rouchon-Borie est également romancier (Le démon de la colline aux loups, Tripode, 2021). Dans Le chien des étoiles (Tripode, 17 août), il esquisse le portrait de Gio, âgé d’une vingtaine d’années, dont le destin a basculé après qu’on lui eut transpercé le crâne d’un tournevis : « Je n’en veux à personne parce que grâce à ça, j’ai fait l’hôpital et j’ai rencontré là-bas quelque chose que j’explique pas, mais ça se passe la nuit. »
Jeunesse
Chasseurs d’étoiles
Cherie Dimaline, traduit par Madeleine Stratford, Boréal
Dans cette suite de Pilleurs d’étoiles (Boréal, 2019), lequel lui a valu le Prix du Gouverneur général, l’autrice métisse, à qui l’on doit Rougarou (Boréal, 2020), raconte le parcours de Frenchie, adolescent métis évoluant dans un monde postapocalyptique où les Autochtones sont traqués par le gouvernement, car ils ne sont plus que les seuls à pouvoir rêver. Fait prisonnier d’un pensionnat, il tente alors de s’en échapper afin de ne pas devenir un cobaye pour les Sans-rêves. (En librairie)
Polar
La sainte paix
André Marois, Héliotrope « Noir »
Bien connu comme auteur jeunesse (Moka a disparu, illustré par Audrey Malo, La Pastèque, 2023), André Marois, romancier français installé à Montréal depuis 1992, s’adonne aussi au polar (Bienvenue à Meurtreville, Héliotrope « Noir », 2016). Dans La sainte paix, il met en scène une veuve qui est furieuse d’apprendre que sa voisine s’apprête à déménager : « Sa première impulsion est d’incendier le chalet de nuit, avec Madeleine dedans. Un mince sourire se dessine sur ses lèvres, puis disparaît. » (12 juin)
Bédé
Rose à l’île
Michel Rabagliati, La Pastèque
Quatre ans après Paul à la maison, dont l’action se déroulait en 2012, Michel Rabagliati renoue avec son alter ego, mais cette fois sous la forme d’un roman illustré. Campé à l’été 2017, Rose à l’île raconte les premières vacances père-fille de Paul et de Rose, qui ont loué un chalet à l’île Verte. Séparé de Lucie, devenu orphelin, en panne d’inspiration, l’auteur de bande dessinée n’aura d’autre choix que de faire le point sur sa vie et sa carrière afin d’entreprendre le prochain chapitre de sa vie. (10 août)
Poésie
Mûres métamorphoses
Makenzy Orcel, Rivages
« Mûres métamorphoses évoque, rassemble les éléments d’une longue errance à travers la langue depuis La douleur de l’étreinte (mon premier recueil), et ses multiples variations (qu’on retrouve en grande partie dans Pur sang). Autant dire que ce recueil se veut un cheminement vers son inachèvement, une perpétuelle dé-re-construction… » explique le poète haïtien, auteur du colossal roman Une somme humaine (Rivages, 2022), dans la présentation de ce recueil oùplane la nostalgie du temps passé. (22 juin)
Essai
La position de la cuillère et autres bonheurs impertinents
Deborah Levy, traduit par Nathalie Azoulai, Sous-Sol
« Je suis romancière et j’ai écrit des livres sur le bonheur : comment la pression qu’on nous met pour être constamment heureux peut nous rendre malheureux et silencieux alors que tous les autres ont le bonheur bruyant. » C’est ainsi que se présente l’autrice anglaise, dont l’autobiographie en mouvement paraîtra en coffret le 30 juin, dans le premier de ces 32 essais intimistes où elle parle des artistes et penseurs l’ayant inspirée depuis son enfance en Afrique du Sud jusqu’à aujourd’hui. (30 juin)