à la messe des fous on va se marier un jour

À l’occasion du Mois de la poésie, Le Devoir, avec la complicité du Bureau des affaires poétiques, donne à lire un poème chaque semaine. Pour cette dernière de cinq semaines : à la messe des fous on va se marier un jour, de Mélanie Béliveau.
à la messe des fous on va se marier un jour
je t’ai aimé tout de suite chant des mésanges
nous sommes à la fenêtre
inondant les miroirs les fontaines
délicieuse crucifixion
la langue retombe au fond de sa cavité
plus longue que prévu la détention
nous passons le polygraphe cardio-respiratoire
devant les arbres baiser de soie
tes paroles atomiques résonnent longue marche nuptiale
je te borde sans bruit
de toutes les couleurs est le feu sur l’autel
cardioversion réussie
belle tempête, pars pas comme ça
pars pas tout court marie-moi
épouse-moi en veste de cuir sur un love-seat
embrasse-moi avant que je mette mes dentelles noires au lavage
pose ta main sur mon ventre aime-moi comme un fou
langoureuses grappes de vent au bas du corps
au fond des draps gris une incision
tu y as cueilli la petite fleur
que tous les gars voulaient piquer dans le ventre des femmes
des voix parfument le ciel
la vie le déchire en biais pour continuer à comprendre
il y a tant de mers à semer de pères à trouver
fractale d’orgasmes
je te cherche cent fois par jour
déshabillée dans la transparence de l’image
nos lèvres sortent du cadre et se répondent déjà par les soirs bleuis
nos corps encrés prêts à se rapprocher
la lueur congédiée des lanternes souffle sur et dans ton ventre où flottent mes seins
que tu n’as jamais vus ni de près ni de loin
nos instants fiancés à l’aurore sur les écrans vaste silence
entre deux étoiles et un petit coeur de velours fluo
je t’ai tatoué la même phrase
encore encore les mêmes lettres dans le même ordre
sur tes épaules tu as rougi l’espace entre les aiguilles
ma main dans tes boucles s’égare exprès
dans ton cou mes ombres fragiles chuchotent derrière mes yeux
tu ne les as jamais vus de près
ta présence me poursuit
elle me rattrape en de longs baisers d’urgence qui s’enchaînent
le triage déborde le long de ta colonne
sous le manteau noir de l’écrivain
la lune dure soudain plus longtemps que le soleil
notre torrent à nous
l’amour notre enfant
nous le berçons entre corps
pour mourir mariés
Biographie
Mélanie Béliveau est née à Victoriaville en 1976 et a grandi dans la région de Trois-Rivières. Médecin de famille, elle exerce en Estrie. D’aussi loin qu’elle se le rappelle, cette mère de quatre enfants est animée par l’écriture. Elle est l’autrice de deux recueils de poésie, Dans le ventre du vent, publié aux éditions Écrits des Forges, et La femme meurt en juillet, aux éditions Mains libres. Elle a également publié dans la revue Exit à l’été 2022 et a été nommée tout récemment finaliste au prix de la Métropole.