à la messe des fous on va se marier un jour

D’aussi loin qu’elle se le rappelle, Mélanie Béliveau est animée par l’écriture.
Marie-France Coallier Le Devoir D’aussi loin qu’elle se le rappelle, Mélanie Béliveau est animée par l’écriture.

À l’occasion du Mois de la poésie, Le Devoir, avec la complicité du Bureau des affaires poétiques, donne à lire un poème chaque semaine. Pour cette dernière de cinq semaines : à la messe des fous on va se marier un jour, de Mélanie Béliveau.

à la messe des fous on va se marier un jour

je t’ai aimé tout de suite chant des mésanges

nous sommes à la fenêtre

inondant les miroirs les fontaines

 

délicieuse crucifixion

la langue retombe au fond de sa cavité

 

plus longue que prévu la détention

nous passons le polygraphe cardio-respiratoire

 

devant les arbres baiser de soie

tes paroles atomiques résonnent longue marche nuptiale

 

je te borde sans bruit

de toutes les couleurs est le feu sur l’autel

cardioversion réussie

 

belle tempête, pars pas comme ça

pars pas tout court marie-moi

 

épouse-moi en veste de cuir sur un love-seat

embrasse-moi avant que je mette mes dentelles noires au lavage

 

pose ta main sur mon ventre aime-moi comme un fou

langoureuses grappes de vent au bas du corps

 

au fond des draps gris une incision

tu y as cueilli la petite fleur

 

que tous les gars voulaient piquer dans le ventre des femmes

des voix parfument le ciel

 

la vie le déchire en biais pour continuer à comprendre

il y a tant de mers à semer de pères à trouver

fractale d’orgasmes

je te cherche cent fois par jour

 

déshabillée dans la transparence de l’image

nos lèvres sortent du cadre et se répondent déjà par les soirs bleuis

nos corps encrés prêts à se rapprocher

la lueur congédiée des lanternes souffle sur et dans ton ventre où flottent mes seins

 

que tu n’as jamais vus ni de près ni de loin

nos instants fiancés à l’aurore sur les écrans vaste silence

entre deux étoiles et un petit coeur de velours fluo

 

je t’ai tatoué la même phrase

encore encore les mêmes lettres dans le même ordre

 

sur tes épaules tu as rougi l’espace entre les aiguilles

ma main dans tes boucles s’égare exprès

dans ton cou mes ombres fragiles chuchotent derrière mes yeux

 

tu ne les as jamais vus de près

ta présence me poursuit

 

elle me rattrape en de longs baisers d’urgence qui s’enchaînent

le triage déborde le long de ta colonne

 

sous le manteau noir de l’écrivain

la lune dure soudain plus longtemps que le soleil

 

notre torrent à nous

l’amour notre enfant

nous le berçons entre corps

 

pour mourir mariés

Biographie

Mélanie Béliveau est née à Victoriaville en 1976 et a grandi dans la région de Trois-Rivières. Médecin de famille, elle exerce en Estrie. D’aussi loin qu’elle se le rappelle, cette mère de quatre enfants est animée par l’écriture. Elle est l’autrice de deux recueils de poésie, Dans le ventre du vent, publié aux éditions Écrits des Forges, et La femme meurt en juillet, aux éditions Mains libres. Elle a également publié dans la revue Exit à l’été 2022 et a été nommée tout récemment finaliste au prix de la Métropole.



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