Hommage à «L’Osstidcho»! (et à tous les artistes qui sortent de la boête)

Melissa Maya Falkenberg
Photo: Photo : Godefroy Mosry / Montage : Marin Blanc Melissa Maya Falkenberg

— Maman, tu sais ce que je fais quand une personne me regarde croche à l’école parce que j’ai fait quelque chose de weird ?

— Euh, non ?!

— Je la regarde (pause) et je fais quelque chose d’encore PLUS bizarre !!!

Elle devait avoir neuf ans, maudit qu’on avait ri et, surtout, j’avais profondément souhaité qu’elle garde ça toute sa vie.

Ce moment mère-fille a traversé mon esprit en sortant de la projection du documentaire L’Osstidquoi ? L’Osstidcho !, qui sera diffusé le dimanche 28 mai, à 20 h, à Télé-Québec…

« Fourrez-vous-le dans l’cul, votre ostie d’show », s’était exclamé Paul Buissonneau, un peu dépassé par les idées saugrenues qui allaient forger le mythique spectacle de Louise Forestier, Robert Charlebois, Mouffe et Yvon Deschamps en 1968. Parce que, plus ça allait (la création), plus il le sentait bien que ça ferait beaucoup de bruit, peut-être même à la limite du supportable pour les habitués du Quat’Sous… (On le remercie au passage d’avoir involontairement trouvé le meilleur nom de spectacle de l’univers.)

Louise Forestier évoque cette forte image : « T’en as qui sont deboute su’é bancs… les autres partis ! » (Hahaha.) Pas tout le monde qui restait à l’entracte les premiers soirs… Ce qui n’allait pas empêcher de déconner et d’électrifier encore les défectuosités de notre société les soirs d’après.

Et c’est justement ce qui a placé L’Osstidcho dans le panthéon des spectacles les plus marquants de notre histoire sociale et culturelle : ses artisans ont fait à leur tête. Continué malgré les étonnements. Suivi leur coeur, le naturel de la langue. Quitte à ce que ça soit croche, mais au moins ça ne serait pas plate. À quatre pattes, en chapeau melon, name it, on n’a pas peur du ridicule !

« Une parole libre, c’est une parole qui requiert du courage », exprime l’humoriste et musicien Adib Alkhalidey dans l’un de mes passages préférés du documentaire. Si je parle et que ça ne me demande pas de courage, ce n’est pas une parole libre […] Il faut que tu acceptes que des gens que tu aimes ne vont pas tout de suite saisir, qu’ils vont être déstabilisés, se sentir trahis. C’est étrange, une parole libre. »

Si on utilise souvent l’expression « out of the box » pour parler de ceux qui ne font pas les choses comme tout le monde, on peut ici se l’approprier et dire qu’il fallait sortir des boîtes à chanson, malgré les beautés qui en sont aussi sorties. C’était le temps d’aller à San Francisco, de danser, de brancher les guites pour voir ce que ça allait donner.

Premier plan du documentaire : Charlebois de profil, exactement comme Dylan, et ses cheveux en 1966, sur la pochette de son Greatest Hits. De magnifiques têtes dans laquelle il y avait beaucoup, beaucoup d’idées. Amoureuse d’art, Lyne Robert me raconte après la projection ce qu’on disait dans son village, au début des années 1970 : « Dépêche-toi de te faire couper les cheveux, sinon tu vas avoir la tête à Charlebois ! »

Dernier plan : Forestier clôt de manière poignante cette production essentielle à notre histoire : « Peut-être que L’Osstidcho a donné du courage à une certaine génération… Mais la nouvelle génération a besoin de beaucoup de courage, et peut-être que notre job à nous, les aînés, c’est de ne pas transporter le désespoir. »

Faque on va laisser vivre les frisettes et inciter au courage.

 

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