Hommage aux poux

Photo: Marin Blanc

Je ne pensais jamais rendre hommage à l’exécrable un jour. J’imagine que c’est une forme de thérapie. Les poux sont d’ailleurs un malaise infini, c’est important d’en parler pour ne pas sombrer dans le désespoir. Mais il faudra accepter que, tels nos démons intérieurs, ils puissent toujours remonter. Je vais quand même essayer de commencer par le début.

Qui dit quatre enfants dit que s’il y en a un qui en a, il y a de fortes chances que les autres aussi. Ils s’aiment tellement que, lorsqu’ils se retrouvent, ils font tout collés. Imbriqués comme dans une partie de Tetris parfaitement réussie. « Clé-cadenas », dirait mon chum. Et pour les journées moins fluides, on pourrait parler d’enchevêtrement. Un ensemble désordonné, confus… Les poux n’y accordent aucune importance : ils viennent d’atterrir à Disneyland. Quatre gros parcs thématiques reliés par des ponts, des glissades, des belles tuques d’hiver pour faire ça tricky… Un genre d’Occupation double, finalement. Mais la production a eu des problèmes de caméras et n’a pas vu les choses venir.

Un pou mâle a deux paires de testicules. Il peut accoupler dix-huit femelles sans s’arrêter. La femelle, elle, pond de quatre à dix oeufs par jour, pendant trois à quatre semaines. Je ne sous-estime pas vos capacités mathématiques, j’ai juste besoin de le dire : ça peut donner deux cents oeufs. DEUX CENTS. Pis là, on parle juste d’une tête.

C’est l’ex de mon chum qui a compris ce qui se passait. Elle a texté à minuit. « Les filles ont des rougeurs sur la nuque. Pas moi, mais tout à coup, la tête me pique et je suis sûre que j’en ai. » Oui, ces crisses-là, ils jouent dans la tête, dans les deux sens du terme. Pensez à la fin du film Primal Fear. Des superhéros possédés par le diable.

Et moi de répondre (dans le déni) : « Elles doivent se gratter à cause d’un reste de shampooing pas bien rincé. Elles mettent aussi trop de mousse dans le bain, ça assèche la peau ! » Mais non : pour se nourrir, les poux procèdent par morsures, entre quatre et huit par jour. C’est à ce moment qu’ils injectent leur salive, provoquant une réaction du cuir chevelu… puis les démangeaisons.

Qui dit familles recomposées dit six têtes d’adulte à vérifier et à surveiller de près. Aweille les ex, les nouveaux chums-blondes des ex, pas de risque à prendre. Parce que t’as beau avoir enlevé tous les poux… S’il reste une lente, une seule, la visite non désirée va débarquer dans une couple de jours.

Lente comme dans lente-ment passer le peigne en métal. Couette par couette, dans tous les sens. De quoi donner envie d’aller leur donner un traitement choc dans un spa scandinave (j’te lance dans le bain le plus frette sans préavis) ou partir à la mer noyer ses soucis… Ben non, estie ! Ces parasites resteront bien accrochés à leurs têtes, car, dotés d’une réserve d’oxygène de dix-huit heures, ils referment leurs orifices respiratoires une fois sous l’eau.

Aux p’tits crisses les grands moyens. Après avoir pleuré, j’ai relevé mes manches et j’en ai fait une mission : m’arranger pour que rien ne revienne nulle part. Pour ça, il faut une discipline et des armes d’enfer. Maya Exterminator.

Vous dire combien le plus beau cadeau de fête de mes 40 ans a été, quelques heures avant celle-ci, de me faire confirmer que les quatre n’ont plus rien ! Une saga qui aura duré seulement une semaine. Et que moi je n’en aie pas attrapé, malgré ma crinière, relève du miracle. Je l’ai même vu comme un beau signe : il n’y a personne qui va m’avoir pendant ma quarantaine, je suis trèèès bien équipée pour enrayer toute forme de vermine. Mon amie Julie de s’exclamer : « Tu vois, le bonheur est dans de petites choses, mais ô combien satisfaisantes ! Bon 40, c’est beau, la quarantaine. »

Alors le lendemain j’entamais une semaine toute neuve, allègrement. J’ouvris la porte de la garderie pour y déposer mon fils, pis quessé qu’yé affiché sur le babillard, comme l’affiche du ixième volet d’un film de pas fin ? « Attention, LA RÉSURRECTION DES POUX ! »

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