Notre sélection de polars du mois de janvier

Du chaud au froid
Quittant les estivants de l’île Sandhamn où l’inspecteur Thomas Andreasson et la juriste Nora Linde ont mené neuf enquêtes, l’autrice suédoise Viveca Sten amorce une nouvelle série plantée dans l’hiver et dans la station de ski d’Åre où, par un petit matin de décembre, un cadavre est découvert sur une chaise du téléphérique. Entrée en scène de l’inspecteur Daniel Jindskog — écartelé entre son rôle de policier et celui de père, qu’il apprivoise — et de l’enquêtrice Hanna Ahlender, fraîchement arrivée à la station pour se refaire une santé mentale après avoir été (injustement) virée de la police de Stockholm. Alternant les points de vue, creusant la vie personnelle de personnages aussi sympathiques qu’atypiques, abordant, comme toujours, la place des femmes dans la société suédoise, Viveca Sten livre, avec Une écharpe dans la neige, un polar écrit au présent (ce qui donne une intéressante impression d’instantanéité) qui ne dépaysera pas ses admirateurs autrement que pour son décor de blanc et de froid.
Sonia Sarfati
Une écharpe dans la neige
★★★ 1/2
Viveca Sten, traduit du suédois par Rémi Cassaigne, Albin Michel, Paris, 2022, 473 pages
Le Nord retrouvé
Isabelle Lafortune a fait une entrée remarquée dans le monde québécois du polar avec Terminal Grand Nord. Trois ans plus tard en temps réel, mais sept ans en temps « fiction », elle nous revient avec Chaîne de glace, où l’on retrouve l’enquêteur Émile Morin, son copain écrivain Giovanni Celani, sa fille Angelune et le froid de notre Grand Nord. En ce temps des Fêtes, Morin prend la direction de la centrale hydroélectrique la Romaine-1, où un cadavre a été découvert. L’enquête s’amorce et ô combien de ramifications il est possible de faire avec les événements survenus dans ce passé pas si lointain duquel Morin n’est pas sorti mentalement indemne ! Très fouillé, le résultat fait, de façon troublante, écho à des questions d’actualité (espionnage industriel, terrorisme écologique, indépendance énergétique, Chine, cryptomonnaies, etc.). Et, s’il s’apprécie sans avoir lu Terminal Grand Nord, Chaîne de glace gagne… en tout, si lu après le roman inaugural d’un cycle qu’on espère voir se prolonger.
Sonia Sarfati
Chaîne de glace
★★★ 1/2
Isabelle Lafortune, XYZ, Montréal, 2022, 451 pages
Extrêmement vert
Le climat n’en finit plus de dégénérer et, dans une dizaine d’années pas plus, le candidat Vert prend le pouvoir en France alors que tout le monde attend le parti d’extrême droite que l’on connaît. Avec un programme très clair et très contraignant, le Mouvement vital de Pierre Savidan prend donc le taureau par les cornes. Il impose toute une série de nouvelles règles en investissant massivement dans les transports en commun et en surtaxant les profits des banques et des grandes sociétés. Sa mesure phare, le SEI, pour Scoring Écologique Individuel (Français un jour…), implique une très nette autocensure des comportements les plus habituels, comme la malbouffe et les voyages en avion : plus le SEI est élevé, moins on paye d’impôt. Et l’inverse aussi, bien sûr. La France est déchirée et le monde attend en silence de voir ce qui va se passer ensuite… Si tout cela était porté par des personnages moins stéréotypés et une écriture un peu plus inspirée, le livre de Bronnec serait encore plus dérangeant.
Michel Bélair
Collapsus
★★★1/2
Thomas Bronnec, Gallimard « série noire », Paris, 2022, 462 pages
Quelle famille!
Jack Reacher ne change pas : curieux — souvent trop, même — et farouchement indépendant, c’est toujours la machine à tuer dangereusement efficace que l’on connaît depuis ses débuts. Apparu en français au tournant du millénaire, cet électron libre de la US Army a sévi un peu partout, mais surtout en Amérique latine et dans le sud des États-Unis près des frontières du Texas et de la Californie. Avec des méthodes plutôt robustes. Et toujours du côté des « bons ». Le voici cette fois en Nouvelle-Angleterre, en vacances dans l’arrière-pays, à la recherche des traces de son père né à Laconia, un hameau disparu du New Hampshire. Sa curiosité « musclée » lui fera rencontrer des gens bien et d’autres pas du tout sympathiques, dont un parent éloigné, qui ont investi dans un sport défendu qui rapporte gros : la chasse au gibier rare. À l’arc. En forêt. On vous laisse deviner de quoi il s’agit… Une histoire tordue qui se construit lentement, complètement différente de ce à quoi nous avait habitués Lee Child jusqu’ici.
Michel Bélair
Les temps du passé
★★★
Lee Child, traduit de l’anglais par Elsa Maggion, Calmann-Lévy «Noir», Paris, 2022, 442 pages