Hommage à ceux qui n’ont pas choisi d’être seuls à Noël

Il y a une chanson country qui s’intitule If We Make It Through December, qui est pour moi sur la liste des dix chansons les plus belles de l’univers. Chantée par le défunt Merle Haggard. Oui, un chanteur country qui s’appelle Merle, ça apporte une certaine émotion. Perso, je trouve ça tellement beau que, même si j’ai fermé ma shop dans le département enfants depuis longtemps, j’ai parfois une bulle au cerveau et l’envie d’un deuxième ti-gars… juste pour l’appeler Merle. (Ce dernier aimerait courir dans les champs et tourner les pages de sa petite encyclopédie sur les oiseaux.)
Mais si on revient à la chanson, elle dit en gros que, si on arrive à passer à travers le mois de décembre, toute va être correct. Le mois le plus froid de l’hiver, selon Merle, qui tremble en regardant la neige tomber. Je ne m’attarderai pas au reste des paroles, bien qu’elles soient magnifiques, je suis surtout habitée par la force du titre en écrivant aujourd’hui. Un titre qui suppose que, plus on avance dans le mois décembre, plus ça peut être difficile. Il faut juste le passer. Si vous adorez Noël, profitez-en au maximum, mais dites-vous qu’il y a aussi quelqu’un autour de vous qui a juste hâte au 26. Pour commencer à rêver au printemps, puis au soleil.
Il faut quand même préciser que certains ont envie d’être seuls à Noël. Ma massothérapeute me confiait qu’une de ses clientes avait pris la décision de travailler pendant le temps des Fêtes. « Moins compliqué comme ça. » Les soupers où elle n’a pas envie d’aller, elle ne peut pas y aller. Une maudite bonne affaire de réglée.
En plus grand nombre, il y a évidemment ceux qui travaillent et qui préféreraient être avec leurs proches. Les chauffeurs de taxi, d’autobus, les employés dans les urgences, les aéroports… Ils voient et ils ressentent la vie, les départs… Ils font face autant aux sourires qu’à la souffrance. Ont-ils envie de finir leur shift plus tôt que d’habitude ? Je me souviens de mon beau-père pompier dévoué à son métier qui, pendant les Fêtes, devait aussi certaines années rester à la caserne. Fait amusant : il venait faire un tour au bercail costumé tout croche en père Noël, sa grosse moustache noire dépassait la barbe blanche cheap, reconnaissable fois mille.
Mais que font les gens qui ne travaillent pas et qui n’ont pas choisi d’être seuls à Noël ? Boire et somnoler fait partie des vérités. Mais c’est le cliché. Il y a aussi ceux qui pleurent, qui réfléchissent, qui allument sans grand intérêt la télé. Ou ceux qui décideront d’écouter le silence. Ceux qui regarderont par la fenêtre, iront se promener, mangeront quelque chose qu’ils aiment, mangeront pas, flatteront leur chat, flatteront rien, iront se coucher.
J’ai une amie séparée qui, un soir de Noël, n’avait pas la garde de sa fille. Célibataire depuis un moment, relaxe sur son sofa, elle a décidé d’aller sur Tinder. Pourquoi pas ? Il n’y a pas un jour plus mauvais que les autres pour aller sur cette application du diable. Trêve de plaisanterie : un père divorcé sans ses enfants, habitant à quelques rues, s’est connecté au même moment. Et il s’est avéré qu’ils se sont trouvés de leur goût… Le Grinch n’y croirait pas, mais… It’s a match !
Le matin du 25 décembre de ses cinq ans, ma fille, elle, s’est réveillée et s’est dirigée directement vers le salon, excitée de découvrir ses cadeaux. Or, son père et moi n’étions pas là. Nulle part dans la maison. Quelques heures avant, j’avais eu de très fortes contractions, très soudaines. Je pensais donner naissance à côté du sapin tellement c’était puissant. Ne pas accoucher à l’hôpital : ma hantise. « Si on a le temps d’attendre une ambulance, on a le temps de se rendre ! » que j’ai crié au père, qui ne savait plus où se mettre. OK, mais quessé qu’on fait avec notre fille ? Ayoye, c’est vrai, on a aussi un enfant qui dort ! Vite ! Nicole ! Va cogner chez Nicole ! Alors, ce matin-là, ma fille n’a pas croisé Santa Claus, mais quelque chose d’aussi surprenant, sur notre divan : la voisine en robe de chambre.
Et pour toi, Maya, c’était comment accoucher de ton gars le 25 décembre ? Ben… Un hôpital, ça continue de rouler, peu importe la date. Avec des employés qui ont choisi de travailler, et d’autres qui ne le diront pas, mais qui ont sûrement juste envie de sacrer leur camp pour aller retrouver leurs proches. Et ceux venus les remplacer venant tout juste de quitter leur fête, pour en créer une autre.
J’ai poussé en regardant les flocons tomber à travers la fenêtre. Et chaque année quand je ne suis pas avec mon fils le jour de son anniversaire, étant aujourd’hui séparée, je revois cette neige, dans laquelle on a ramené à sa soeur le plus beau des cadeaux.