Des idées qui ébranlent, merci aux essais québécois

Comment la sortie de la crise de la COVID-19 ébranle-t-elle les finances ? L’essai L’inflation, de notre collègue, le journaliste économique Gérard Bérubé, répond à la question (Somme toute, 20 septembre) en lançant le partenariat entre Le Devoir et les Éditions Somme toute. Dans ce partenariat, Que reste-t-il de #Moi-Aussi ? (Somme toute, 12 octobre), une autre collègue, la journaliste d’enquête Améli Pineda, dresse la synthèse des « secousses » au Québec d’un mouvement planétaire qui, rappelle-t-elle, « a transformé notre société ».
Jusqu’à plus soif (Fides 11 octobre), d’Yvan Cliche, spécialiste en énergie au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, aborde également les questions de l’heure : Pétrole-gaz-solaire-éolien : enjeux et conflits énergétiques.
Pour contrecarrer le réchauffement climatique, les énergies renouvelables, par exemple éolienne et solaire, deviennent indispensables. On ne peut continuer d’agir « jusqu’à plus soif », c’est-à-dire jusqu’à l’épuisement total des ressources. Un changement d’esprit s’impose.
Des maires, jadis souvent perçus comme des symboles même du conservatisme, voire de l’étroitesse d’esprit, témoignent d’un souffle nouveau, comme l’actuel maire de Laval, l’étonnant Stéphane Boyer, auteur du livre Des quartiers sans voitures (Somme toute, 13 septembre). Le sous-titre De l’audace à la réalité est provocateur, et la préface signée par le nouveau maire de Québec, Bruno Marchand, sort de l’ordinaire.
Ce changement de mentalité n’est pas étranger à la renaissance autochtone exprimée dans l’autobiographie militante Ninanimishken, Je marche contre le vent (Flammarion Québec, 22 septembre), du musicien innu Florent Vollant, écologiste fervent. Le livre a bénéficié de la collaboration de Justin Kingsley. Il comporte une préface de l’artiste Richard Séguin.
À l’occasion du 60e anniversaire du Boréal Express, dont l’origine est liée au rayonnement de l’histoire du Québec, on réédite un livre fondateur de Maurice Séguin (1918-1984), l’un des représentants de l’école historique qui révolutionna l’enseignement des sciences humaines à l’Université de Montréal.
Le classique s’intitule L’idée d’indépendance au Québec (Boréal, 13 septembre). Accompagnée du sous-titre Genèse et historique, il s’agit de la transcription d’une conférence que Séguin avait donnée au début de 1962 à la télévision de Radio-Canada.
L’ouvrage correspond au franc-parler et à l’attitude novatrice d’un homme politique inoubliable, dont nous célébrons cette année le centenaire. L’événement suscite la publication de Lumières vives (Boréal, 1er novembre), 88 chroniques de cinéma écrites par René Lévesque, parues dans Le Clairon de Saint-Hyacinthe entre 1947 et 1949, et rassemblées par le professeur Jean-Pierre Sirois-Trahan.
Correspondant de guerre au cours du conflit mondial entre 1939 et 1945, Lévesque était conscient, à l’époque, de la gravité des relations belliqueuses entre le Japon et l’Occident. Professeur de cinéma et de journalisme, Alain Vézina interprète, dans Godzilla et l’Amérique (PUM, 19 septembre), la monstrueuse créature fantastique qui a illustré les films nippons depuis la défaite militaire du Japon en 1945. L’ancien pays ennemi des États-Unis deviendra son rival économique. Pas étonnant que Vézina appelle la rivalité « le choc des titans ».
L’histoire du XXe siècle ne saurait nous faire oublier les millénaires qui la précèdent. Notre collègue du Devoir Caroline Montpetit publie Bonjour ! Kwe ! À la rencontre des langues autochtones du Québec (Boréal, 7 novembre).
Il s’agit d’un voyage anthropologique, souvent pittoresque et même poétique, à travers les 11 langues ancestrales encore parlées sur notre territoire : algonquin, cri, naskapi, malécite, abénaquis, micmac, wendat, atikamekw, mohawk, innu et inuktitut.
De son côté, le jeune historien François-Olivier Dorais, qui enseigne à l’Université du Québec à Chicoutimi, réexamine une histoire intellectuelle à la fois complexe et énigmatique. Il suit les cheminements des historiens Marcel Trudel (1917-2011), Fernand Ouellet (1926-2021) et Jean Hamelin (1931-1998) dans L’école historique de Québec (Boréal, 11 octobre).
De l’histoire, on passe à la littérature grâce aux romancières Jennifer Bélanger et Martine Delvaux qui, en écrivant Les allongées (Héliotrope, 10 octobre), font de leurs douleurs chroniques une matière poétique. La musicalité de la description qu’elles font de leur essai involontaire nous laisse rêveurs en plus de nous faire réfléchir. La voici : « Entourées d’autres femmes — écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes —, les autrices rendent hommage à la vie horizontale des accidentées, des endolories, des insomniaques, des rêveuses et des survivantes. »
Pour contrecarrer le réchauffement climatique, les énergies renouvelables, par exemple éolienne et solaire, deviennent indispensables. On ne peut continuer d’agir « jusqu’à plus soif », c’est-à-dire jusqu’à l’épuisement total des ressources. Un changement d’esprit s’impose.
Sous la direction de Christiane Lahaie et Christophe Duret, l’ouvrage collectif Ici et maintenant (Lévesque éditeur, 18 octobre) réunit une quinzaine de chercheurs pour y traiter des « représentations de l’habiter urbain dans la fiction contemporaine ». Les collaborateurs se demandent comment « la fiction contemporaine représente l’habitat et les pratiques habitantes au sein de la ville ». Ils font, « toujours dans une perspective transmédiatique, des analyses d’oeuvres littéraires, mais également cinématographiques, vidéoludiques, bédéistes et télévisuelles ».
La romancière Madeleine Monette, née à Montréal en 1951 et qui vit à New York depuis 1979, illustre peut-être le mieux l’urbanité littéraire. C’est du moins l’urbanité qui la hante dans son essai L’Amérique est aussi un roman québécois (Nota bene, 14 septembre) où se rassemblent des « vues de l’intérieur ». Madeleine Monette découvre « une Amérique réinterprétée ou revisitée, une Amérique qui est aussi un roman québécois, une fiction transcontinentale, où peuvent reprendre place les Amériques ».
L’essayiste finit par s’écrier : « Oui, l’Amérique est aussi un roman québécois. Un poème québécois. » Ne nous ébranle-t-elle pas avec infiniment plus de douceur que la crise de la COVID-19, que l’horreur du sexisme et que le terrible réchauffement climatique ?