Harry Potter, un succès génération après génération

Le 26 juin 1997 débarquait dans les librairies britanniques le premier tome de la saga des Harry Potter, imaginée par J. K. Rowling. Qui aurait cru à l’époque que les aventures du petit sorcier deviendraient un phénomène littéraire, culturel et commercial mondial ? À l’occasion du 25e anniversaire du roman, Le Devoir revient sur cet engouement sans précédent pour un livre jeunesse.
La saga des Harry Potter a peut-être 25 ans, mais la magie opère toujours auprès de la nouvelle génération de lecteurs, passionnée à son tour par les aventures du jeune sorcier aux lunettes rondes. À la sortie du premier tome, en 1997, rien ne laissait pourtant présager ce succès mondial de plusieurs décennies.
« Le meilleur, c’est le quatrième, Harry Potter et la Coupe de feu ! lance Mathieu, 12 ans, avec passion. J’aime que ça change de la routine de l’école avec la compétition de magie. C’est plus sombre à la fin, ça fait un peu peur, mais j’aime ça. »
Mathieu était déjà sous le charme de l’univers de Poudlard depuis quelques années, après avoir regardé les films adaptés de la saga littéraire. Mais lorsqu’il a été coupé de ses amis au début de la pandémie, trouvant le temps long, il a décidé de s’attaquer aux livres de J. K. Rowling, histoire de prolonger sa passion. « Je lisais pas d’aussi gros livres avant, mais j’étais tellement dans l’histoire que ça m’a pas découragé. »
Aude, 11 ans, a de son côté découvert les aventures du petit sorcier à l’âge de 7 ans. « Je lisais les livres avec mon père. Des livres d’autant de pages, c’était trop pour moi toute seule, mais j’aimais vraiment l’histoire », raconte-t-elle. « La manière dont c’est présenté, c’est captivant, tu veux tout de suite découvrir la suite. »
Comme Aude et Mathieu, de nombreux jeunes ont plongé tête première dans les livres de la série ces dernières années. Ils ont été envoûtés par ce monde de magie et de sorcellerie, comme l’a été la génération de leurs parents deux décennies plus tôt.
« C’est rare de voir un livre jeunesse connaître un aussi grand succès à travers les années », explique Chantal Fontaine, qui travaille à la Librairie Moderne, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Elle indique avoir vendu plus d’une centaine d’exemplaires du premier tome rien que depuis le début de cette année.
À la Librairie Poirier de Trois-Rivières, on continue de donner une place de choix à la saga, comme autrefois. « On a un présentoir permanent, en évidence dans la librairie. Puisqu’il y a régulièrement de nouvelles rééditions, ça rafraîchit la collection et ça agrippe de nouveaux lecteurs », explique la libraire Laurence Grenier.
L’engouement est aussi toujours présent du côté d’Archambault et de Renaud-Bray, où on a constaté une augmentation des ventes des romans durant la pandémie, le premier tome ayant même réussi à se glisser dans le palmarès de 2021.
On observe le même phénomène à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Absents des palmarès ces dernières années, les livres Harry Potter ont fait leur grand retour parmi les titres jeunesse les plus empruntés en 2021. Le premier tome se retrouve en deuxième place, suivi de près par les tomes deux, six et sept.
Succès imprévisible
« C’est assez incroyable de voir que 25 ans plus tard, ça plait encore à une toute nouvelle génération de lecteurs, alors qu’à l’époque, rien ne prédisait cette popularité », soutient Katherine Fafard, directrice générale de l’Association des libraires du Québec.
« Au début, on n’entendait pas parler d’Harry Potter [au Québec]. On avait les trois premiers tomes en français en format Folio junior en librairie, mais ça ne se vendait pas plus que ça », raconte celle qui travaillait alors dans une librairie de Joliette.
Il faut dire qu’en 1997, lors de la parution du premier volet de la saga au Royaume-Uni, J. K. Rowling était une autrice totalement inconnue. Son projet littéraire a d’ailleurs été refusé par une dizaine d’éditeurs avant qu’il n’attire l’attention de Bloomsbury. À sa sortie, Harry Potter and the Philosopher’s Stone a connu un succès local et a remporté plusieurs prix, mais il a fallu attendre fin 1998 pour qu’une version en français voie le jour.
« C’est avant la sortie du quatrième tome en anglais, en 2000, qu’on a senti un engouement, poursuit Mme Fafard. Les clients demandaient de plus en plus le livre “Harry quelque chose”, “L’enfant magicien”, “Le petit sorcier” ; ils maganaient tous son nom. [...] Les demandes étaient tellement nombreuses qu’on a fini par mettre les livres sur une table près de la caisse pour les servir plus vite. »
L’engouement pour les Harry Potter s’est confirmé à la sortie du quatrième tome, et encore plus lors des suivants, puisque des lecteurs faisaient la file devant les librairies à minuit, à la levée de l’embargo, pour découvrir au plus vite la suite des aventures du sorcier.
« C’était la folie, mais on aimait ça, c’était très festif », relate Chantal Fontaine. Elle se souvient encore comme si c’était hier des soirées de lancement où elle se déguisait d’un chapeau et d’une cape de magicien pour accueillir les clients fébriles et impatients. Le reste de l’année, les livres trônaient en vitrine, une place rarement occupée jusqu’alors par des livres jeunesse.
En 27 ans de carrière, elle assure n’avoir jamais vécu de nouveau cette effervescence pour un livre destiné aux jeunes. « Ce qui était beau à voir, c’est que le phénomène touchait petits et grands. Et c’était rare, à l’époque, de voir des adultes lire des livres pour enfants. [La série des] Harry Potter a démocratisé la littérature jeunesse, selon moi. »