25 ans plus tard, Harry Potter enchante toujours, ou presque

Ian Riverin et sa collection d'objets à l'effigie de la saga
Photo: Adil Boukind Le Devoir Ian Riverin et sa collection d'objets à l'effigie de la saga

Le 26 juin 1997 débarquait dans les librairies britanniques le premier tome de la saga des Harry Potter, imaginée par J. K. Rowling. Qui aurait cru à l’époque que les aventures du petit sorcier deviendraient un phénomène littéraire, culturel et commercial mondial ? À l’occasion du 25e anniversaire du roman, Le Devoir revient sur cet engouement sans précédent pour un livre jeunesse.

Ils ont rencontré Harry, Hermione et Ron alors qu’ils entraient dans l’adolescence. Ils ont grandi avec eux pendant presque une décennie, rêvant parfois d’être dans leur peau. Aujourd’hui adultes, les millénariaux — qui ont été la première génération Harry Potter — vouent encore un fort attachement à la série littéraire, bien que plusieurs se sentent trahis par les propos jugés transphobes de son autrice.

« J’ai longtemps attendu ma lettre de Poudlard avant de me faire une raison : je ne suis qu’un simple Moldu », lance en riant Ian Riverin, grand fan des Harry Potter. L’homme de 31 ans ne compte plus le nombre de fois qu’il a lu les sept tomes de la saga. « J’ai moins le temps de tous les lire d’affilée, mais une fois par année j’en prends un au hasard, je relis les chapitres que j’aime le plus », confie-t-il.

Mais sa passion pour le monde magique du sorcier aux lunettes rondes l’accompagne au quotidien. Son bonnet, son foulard, son sac et son carnet de notes portent les couleurs et le symbole de la maison Serpentard, celle dans laquelle il serait entré à Poudlard, à en croire un quiz Internet. Il y a aussi ses soirées de jeux de société sur le thème d’Harry Potter, son déguisement d’Halloween à l’image de Drago Malefoy et ses gâteaux d’anniversaire en clin d’œil à la saga des Harry Potter. Ah oui, et son chat s’appelle Chatlazar Serpentard, en hommage au cofondateur de l’école des sorciers Salazar Serpentard.

Photo: Adil Boukind Le Devoir

« C’est une passion, reconnaît-il. Ça fait partie de ma personnalité. » Il faut dire que Ian Riverin a grandi avec un livre de Harry Potter dans la main. C’est à l’âge de neuf ans qu’il a découvert cet univers, lorsqu’il a reçu les quatre premiers tomes pour Noël. « Cette journée-là, je n’ai pas bougé du fauteuil et j’ai dévoré le premier livre, raconte-t-il. Puis j’ai enchaîné les autres. Je ne pouvais plus m’arrêter. Et en attendant le tome suivant, je les relisais tous, à l’infini. »

Il se souvient d’avoir supplié sa mère, à l’âge de 14 ans, d’aller à la librairie du coin à minuit pour acheter le tome 5 dès sa sortie. « Je ne pouvais pas attendre plus longtemps, je l’ai commencé dans la voiture en rentrant et je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit-là. »

« Ces livres ont joué un rôle dans la construction de mon identité à 9-12 ans, poursuit-il. Je m’identifiais aux personnages, j’imitais certains de leurs comportements, j’apprenais ce qui m’attendait comme adolescent grâce à eux. »

De son côté, Jean-Sébastien Lavoie juge que les Harry Potter ont surtout fait de lui le grand lecteur qu’il est aujourd’hui. « Ça m’a donné la piqûre à 11 ans. Avant ça, je lisais peu, des livres minces. Ç’a été un tournant. » Il se souvient d’avoir pris son temps pour lire chaque volume, à raison d’un par année, afin d’avoir toujours l’âge de Harry et de ses amis pendant sa lecture et de pouvoir ainsi s’identifier encore plus à eux.

« C’est pas juste un coup de chance. Il y a du talent dans l’écriture de J. K. Rowling. Ça te garde en haleine et te plonge dans un univers imaginaire fascinant, quel que soit ton âge », soutient celui qui a aujourd’hui presque 33 ans.

Ces livres ont joué un rôle dans la construction de mon identité à 9-12 ans, poursuit-il. Je m’identifiais aux personnages, j’imitais certains de leurs comportements, j’apprenais ce qui m’attendait comme adolescent grâce à eux.

Ombre au tableau

 

Jean-Sébastien dit nourrir un attachement fort à cette série de livres, dont il parcourt certains passages encore régulièrement. Son amour pour les aventures d’Harry a toutefois failli voler en éclats lorsque la controverse entourant son autrice a commencé en 2020.

Réagissant à un article d’opinion qui utilisait l’expression « les personnes qui ont leurs menstruations », J. K. Rowling avait écrit ironiquement sur Twitter : « Je suis sûre qu’il y a déjà eu un mot pour décrire ces gens. Aidez-moi. Wumben ? Wimpund ? Woomud ? » feignant de chercher le mot anglais pour femme, « woman ». Elle a poursuivi avec une série de messages défendant le concept de sexe biologique. Elle s’est ainsi attiré les foudres de la communauté LGBTQ+ et de nombreux fans qui ont jugé ses propos transphobes.

« J’ai cru à une maladresse au début, lance Jean-Sébastien. Mais elle persiste et signe. Ses propos m’ont vraiment déçu. » Il explique s’être longuement questionné : devait-il jeter ses Harry Potter ou pouvait-il séparer l’œuvre de son autrice ? « Je me permets d’aimer encore les Harry Potter parce que ce sont mes souvenirs et que les livres sont déjà dans ma bibliothèque, ce n’est pas comme si j’encourageais J. K. Rowling en achetant ses nouvelles œuvres. »

Même son de cloche du côté de Ian Riverin, qui n’a pu tirer un trait sur sa passion et sur ses nombreux souvenirs liés à l’univers du sorcier. Mais il s’estime « trahi ». « J. K. Rowling défend les minorités dans ses livres, elle transforme des exclus en un trio de héros aimés. Et 25 ans plus tard, elle tient de tels propos. C’est incohérent », s’offusque-t-il.

D’autres fans en ont gardé un goût plus amer et persistant encore. « Dans certaines circonstances, on peut séparer l’œuvre de l’artiste. Mais ses propos vont tellement loin, ils sont tellement à l’encontre des valeurs dans ses livres, que c’est impossible », juge Fanny Tremblay, 35 ans. Elle donne comme exemples les messages d’acceptation de soi, d’ouverture à l’autre, ou la lutte contre les injustices sociales qui lui avaient fait tant aimer la saga.

« J’ai eu un enfant en 2008, qui est intersexe, et lui aussi a grandi avec Harry Potter, poursuit-elle. À deux ans, il apprenait à parler avec des cartes Harry Potter. Son middle name est inspiré d’un personnage de l’histoire. […] J’ai dû avoir une conversation avec lui, lui expliquer les propos de J. K. Rowling. Je ne voulais pas qu’il le découvre seul plus tard. »

Si elle compte laisser son enfant choisir s’il veut continuer de lire les Harry Potter, pour elle la réponse est catégorique : « J’ai fait mon deuil. Je ne pourrais plus jamais apprécier la lecture de ces livres que j’ai tant aimés. »

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