La sélection du mois de juin

Un arbre poète
Recueil nourri par une cinquantaine de poèmes organiques dans lesquels l’homme et l’arbre ne font qu’un, L’arbre m’a dit, écrit par Jean-Pierre Siméon, est une ode à la nature, à la beauté, au silence, à la contemplation. Les paroles de l’arbre sont rapportées par un narrateur qui met en lumière toute la douceur et la force de ce grand végétal qui participe de notre écosystème. Des poèmes brefs, mais intenses et philosophiques, qui embrassent le monde avec sensibilité et authenticité. Comme un vieux sage au bout de sa route, fier et confiant devant l’éternel, l’arbre conseille, questionne, se raconte et invite le petit humain à faire comme lui, à se nourrir « autant par les pieds que par la tête ». La délicatesse de la prose se prolonge dans les tableaux à l’encre de Zaü, des décors qui laissent toute la place aux ramures et à l’immensité de l’arbre. Trois doubles pages, sans texte, ouvrent sur des scènes profondes et chaleureuses accentuées par l’utilisation du pastel. Comme un temps d’arrêt nécessaire pour « ouvrir les bras et laisser le monde nous traverser ».
L’arbre m’a dit
★★★★
Jean-Pierre Siméon et Zaü,Rue du monde, Voisins-le-Bretonneux,2022, 40 pages. À partir de 10 ans.
Marie Fradette
Loin de la forêt
« Un rocher bleu demeurait paisiblement au coeur d’une forêt. Dix mille ans étaient passés dans une parfaite sérénité. Mille ans ont passé ensuite. Puis cent encore. Enfin, on ne les compta plus… » Jusqu’au moment où l’homme, dans cette incessante lubie de vouloir tout posséder, découvre l’immense rocher, le fend en deux et en rapporte une moitié à la ville. Sculpté par les artistes, applaudi par des foules, ce caillou domestiqué ne parviendra toutefois jamais à oublier sa forêt et son essence. À l’instar du magnifique Nuit étoilée qui a valu à son auteur, Jimmy Liao, le prix Sorcières en 2021, Le rocher bleu s’ouvre sur un univers intimiste, dévoilant toute la richesse et l’importance des liens, des racines. Malgré les épreuves rencontrées, le rocher se refait, se reconstruit et retrouve, même usé par le temps, le chemin du retour. Les quelques phrases courtes et poétiques sont surplombées des aquarelles de Liao, des illustrations expressives dans lesquelles les contrastes entre les différentes teintes de bleus et les jaunes lumineux participent à l’intensité du parcours.
Le rocher bleu
★★★★
Jimmy Liao, traduit du chinois par Chun-Liang Yeh, HongFei, Amboise, 2022, 148 pages.
Marie Fradette
Bienvenue à Wendake
Le franc succès de Nish, d’Isabelle Picard, n’allait pas rester sans suite, et voici qu’à l’occasion du Mois national de l’histoire autochtone paraît le deuxième tome de la série. À nouveau, les jumeaux Éloïse et Léon se partagent la narration. Déracinés malgré eux de leur Matimekush natal, ils arrivent à Wendake, prêts à affronter de nouveaux défis. La nostalgie les guette : « Ce qui me manque le plus, à part mes amis et kukum, c’est le territoire, les lièvres et les renards blancs, les caribous. Les aurores boréales qu’on admire aussi parfois. » Éloïse doit subir l’intimidation d’une élève, Léon en arrache avec ses cours de français, mais de nouveaux amis se greffent à leur parcours et, sous l’égide d’une famille bienveillante, ils trouvent leurs repères. Une narration rythmée porte le récit, qui flotte dans un optimisme bienheureux, dénouant parfois les épreuves avec trop de facilité. Nonobstant, Nish prend soin d’instituer des ponts entre les êtres, reconnaissant les différences sans les ériger en barrière, incarnant ainsi une heureuse et nécessaire rencontre.
Nish tome 2 Les aurores boréales
★★★
Isabelle Picard,Les malins, Montréal, 2022, 272 pages.À partir de 10 ans.
Yannick Marcoux
La quête d’une jeune Wendate
En plein coeur du mois qui met à l’honneur la littérature des Premières Nations paraît le roman de Louis-Karl Picard-Sioui Yawendara et la forêt des Têtes-Coupées. Ce conte nous invite dans un village wendat, aux abords d’une forêt maudite, sur laquelle règne Fils-d’Areskwe, qui terrorise et affame les villageois. Lorsque la grand-mère de Yawendara, jeune fille « radieuse » et « d’une pureté inaltérable », tombe malade, cette dernière entreprend une quête pour sauver son aïeule. Dans ce « monde sombre et ombrageux », gangrené par la « maladie, la tristesse et la désolation », sa quête prend des proportions inattendues. L’héroïne emploie toute sa bonté et son courage pour vaincre les épreuves qui s’offrent à elle et, ainsi, renverser le cycle maudit qui paralyse son village. Tressée dans une langue immersive et poétique, cette fable haletante redonne voix et puissance à un peuple maintenu depuis trop longtemps dans la noirceur : « Yawendara était le présent d’un passé douloureux, mais peut-être aussi le passé d’un lendemain meilleur ».
Yawendaraet la forêt des Têtes-Coupées
★★★ 1/2
Louis-Karl Picard-Sioui, Hannenorak, Wendake, 2022, 118 pages.À partir de 10 ans.
Yannick Marcoux