Des nouvelles de Wendake

Lancée en 2021 par la librairie Hannenorak, l’initiative Je lis autochtone invite les lecteurs à découvrir la littérature des Premières Nations du 1er au 30 juin, soit durant le Mois national de l’histoire autochtone. En phase avec l’événement, les Éditions Hannenorak viennent de lancer la collection Solstice, laquelle propose « des textes courts, des paroles en éveil, une présence rayonnante, à l’image de notre éveil ».
L’honneur d’inaugurer cette collection revient aux deux porte-parole de Je lis autochtone, J.D. Kurtness, romancière à qui l’on doit De vengeance (2017) et Aquariums (2019), tous deux publiés chez L’Instant même, et à Jocelyn Sioui, homme de théâtre et auteur de l’essai biographique Mononk Jules (Hannenorak, 2020). Si la première a choisi de tendre son regard vers un futur que l’on souhaite très lointain, et le second de revenir sur une page méconnue de l’histoire de ses ancêtres wendats, l’un comme l’autre signent un récit où l’humour est au rendez-vous.
Mystiques champignons
Dès les premières pages de Bienvenue, Alyson, où elle installe un sombre portrait du milieu, J. D. Kurtness entraîne le lecteur sur une fausse piste. De fait, la disparation d’une femme de 54 ans semble faire écho au sort fatal réservé à plus d’un millier de femmes et de filles autochtones dans les dernières années. Or, il n’en est rien. Certes, les cadavres s’accumulent, mais ceux-ci sont bien singuliers…
« Le cadavre devait être là depuis au moins deux semaines, mais il ne dégageait aucune odeur nauséabonde. Au contraire, un subtil et délicieux parfum flottait dans l’air. Il rappelait à certains un arôme de citron. À d’autres, la fraîcheur des froides journées d’hiver. Comme tout le monde était trop gêné pour commenter la bonne odeur de ce qu’on considérait comme une scène de crime, on n’en fit pas mention. »
On comprendra bientôt que les victimes, qui se multiplient de manière exponentielle, au-delà des frontières d’Alma, ont été en contact avec une espèce de champignon aux effets psychotoniques. Dans la veine d’Aquariums, récit apocalyptique campé en Arctique, Bienvenue, Alyson s’avère une nouvelle dystopique à saveur écologique où l’autrice condamne, avec un humour mordant, la race humaine à subir des bouleversements climatiques pour le moins intrusifs.
Comme un poisson dans l’eau
Dans le conte Frétillant et agile, Jocelyn Sioui entraîne le lecteur hors des sentiers battus en le ramenant au XVIIe siècle sur les traces d’Auhaïtsic, deuxième du nom — à ne pas confondre avec le premier du nom, jeune Français et compagnon du récollet Nicolas Viel, qui a donné le sien au quartier Ahuntsic.
Mettant en scène une haletante descente en canot, l’auteur amalgame avec bonheur récits historiques, folklore autochtone et légendes wendates. Ce faisant, il s’amuse à faire des apartés, des détours, des digressions… sans perdre le fil du récit initial.
« Et là, vous vous demandez peut-être : Jocelyn, qu’est-ce qu’il y a dans le fameux sac du jésuite ?
Vous vous posez la question juste au bon moment parce que j’allais y répondre : dans le fameux sac de cuir se trouvait le précieux corps calciné de Jean de Brébœuf.
Je vous raconte vite, vite cette histoire-là, parce que vous ne savez peut-être pas de quoi je parle… »
Tandis qu’il signe un hommage pour le moins original à ses racines, Jocelyn Sioui se moque allègrement de l’Histoire telle que racontée du point de vue des Blancs.
Je lis autochtone
J. D. Kurtness et Jocelyn Sioui seront les hôtes de deux causeries qui auront lieu à la librairie Un livre à soi, à Montréal, le 10 juin, et à la librairie Hannenorak, à Wendake, le 11 juin. Les heures sont à confirmer.
Jocelyn Sioui sera aussi de la distribution du Cabaret du Trickster au théâtre Aux Écuries, à Montréal, le 14 juin, et à la place Jean-Béliveau, à Québec, le 20 juin.
Le carnet Je lis autochtone est offert de nouveau dans les librairies indépendantes grâce à la coopérative Les Libraires et à l’équipe de Je lis autochtone.