«Petit éloge du mouton»: revenir à nos moutons

Un tout petit livre détonnant qui a la couleur de la laine et le poids d’une plume arrivera en librairie mercredi. Chercheur indépendant associé à l’UQAM, écrivain voyageur et penseur libertaire, Thierry Pardo a occupédurant trois étés le doux métier de berger au parc Maisonneuve pour le projet d’écopâturage mené par l’organisme Biquette.
Depuis quelques années, une quinzaine de moutons paissent librement, sans collier ni clôture, à l’ombre du Stade olympique. Le museau dans le trèfle, ils s’inscrivent « dans le temps lent, dans le moment ancien […], représentent une parenthèse, un interstice laineux ».
Les regarder être des moutons apaise celui qui les garde, induit une douce méditation et donne à certains l’envie de réfléchir à la présence animale dans l’espace urbain, à notre « sentiment de “reliance” à la nature et au vivant ». La première chose que remarque le berger, c’est que c’est lui qui suit le troupeau ! Gentils, naïfs, suiveux ? On a peut-être trop vite jugé les moutons, qui tirent leur force du nombre, d’où leur esprit grégaire.
Dans un texte entre le récit et l’essai, l’écrivain-berger partage ses observations tendres et ses apprentissages minutieux sur cet animal étrangement méconnu qui peuple les contes pour enfants, les récits bibliques et aussi nos nuits blanches.
Perturbateur doux, anarchiste duveteux dont le quotidien est réglé par quatre estomacs, le mouton fomente sa petite révolution ovine au cœur de la vie clanique. Évoluant dans un « troupeau élastique » non hiérarchique, les moutons, ensemble, « incarnent un idéal communautaire, épicurien et oisif […] inaccessible aux humains », écrit Thierry Pardo. « Cette liberté est d’une incroyable insolence à l’époque où tout doit être sous contrôle » dans un monde qui « se recroqueville jusqu’à la nausée. »
Ouvrage à la fois humble, rêveur et érudit, ce petit éloge a la douceur méditative d’un après-midi à filer la laine au fuseau. À savourer lentement puisque sa lecture dure le temps que prend un nuage pour traverser le ciel.