Les salons du livre sont de retour

Deux ans déjà que les lecteurs, auteurs, éditeurs et artisans du livre ne se sont pas réunis côte à côte et livres sous le bras dans les salons du livre. Si, comme le croit Robin Doucet, du Salon du livre de Rimouski (SLR), « la force d’un salon, c’est cette présence de tout ce monde, ensemble, en une seule place », l’ADN de ces événements sera-t-il définitivement changé par la pandémie ? Quels seront les salons du livre de demain ? À l’heure de leur reprise « en vrai », petit tour de piste des solutions envisagées.
« Les salons du livre de demain, on ne les connaît pas encore. Cette année, on reste dans des salons suspendus, dans la mutation », indique Olivier Gougeon, le directeur général du Salon du livre de Montréal (SLM) qui courra, dans sa « forme transitoire », du 13 au 28 novembre. « Il y a une transformation événementielle importante en cours. »
Cette forme transitoire, tous les salons la vivent, la vivront cette année. Chacun différemment, selon les mesures sanitaires en cours lors de leur tenue. Une année d’incertitude, donc. Et une année d’essais, et de prises de risque joyeuses, comme le souligne Sylvie Marcoux, présidente par intérim de l’Association québécoise des Salons du livre. Car chaque succès et chaque erreur servent aux autres salons. Au point que Robin Doucet disait mardi dernier « avoir hâte de raconter aux autres après mon Salon ce qui n’aura pas marché chez nous… ».
Certaines tendances se dessinent, déjà. Les formules hybrides — mi-virtuelle, mi-sur place — sont des solutions. Après avoir appris à la dure en 2020, les salons ont maintenant là une expertise sûre. Et pour atteindre le public scolaire, le virtuel est un outil hors pair.
Au Salon du livre de Rimouski, qui se terminait hier et courait depuis le 5 novembre, les classes virtuelles ont connu « une augmentation de 40 % par rapport à 2020 ; on passe de 200 à 250 classes qu’on va rencontrer par écrans. En 2022, si on revient à une normale, comme on l’espère, cette offre entièrement virtuelle, on va continuer à la faire pour les écoles éloignées de Rimouski, pour lesquelles c’est dur de venir nous voir. »
Les durées changent aussi. La plupart des Salons sont plus courts. Certains, comme celui de Montréal, sont à la fois plus courts et plus longs. « On a une formule allégée : quatre jours au lieu de six », précise M. Gougeon — dont un jour de moins pour le public scolaire, et pour la première fois un SLM au Palais des congrès. « Moins de stands, un look différent, mais quand même 500 maisons d’édition. »
À moitié vide ou à moitié plein ?
Comme la programmation, en ligne et dans la ville, s’étire, elle, du 13 au 28 novembre, on peut aussi voir ce SLM comme plus long. Car le hors-les-murs prolifère, et pas qu’à Montréal. Dans tous les salons, la multiplication des points de rencontre permet d’offrir plusieurs options à un public que la crainte de la COVID-19 a peut-être rendu un peu agoraphobe.
« Ce n’est pas tout le monde qui aime aller dans une foule ces temps-ci », estime Mme Marcoux, aussi directrice générale du Salon du Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui s’est terminé le 3 octobre. « On s’est éparpillés cette année partout dans la région : dans les bibliothèques, dans une salle de spectacle, dans les librairies pour les séances de dédicaces des auteurs. » La directrice a eu une belle surprise : l’écoute. « La remise de prix dans une salle de spectacle, ça change tout, et on veut garder ça. Dans un centre de congrès, il y a toujours du bruit, tous les sens sont sollicités, on n’est pas aussi attentifs. »
Ce hors-les-murs sera aussi le choix du SLM. « On veut faire déborder l’événement, et que ceux qui n’aiment pas le Salon puissent le retrouver ailleurs, dans la centaine d’activités qui se feront un peu partout dans la ville — à la libraire Saga, au Cabaret chez Mado, Au Livart. Il faut que plus de conversations autour des livres se créent, dans les lieux attendus et d’autres qu’on n’attend pas pantoute. Si un boulanger pendant le SLM se mettait à parler de son livre préféré en emballant la baguette de son client, pour moi, ce serait une victoire. »
Small is beautiful
Tous les salons du livre, comme celui de Rimouski, se font plus petits. L’entrée, ce week-end, y était gratuite. Au Centre des congrès de l’hôtel Rimouski, le SLR a loué la moitié de la salle qu’il loue habituellement. « On a cette année 80 auteurs. On a peu de stands — une douzaine seulement. »
À cause des mesures sanitaires. Et parce que les distributeurs ADP, Prologue et Dimedia, qui souvent représentent les éditeurs dans les salons, ont décidé en 2021 de ne pas faire ceux des régions. « Ils prennent pas loin de 50 % d’une surface de SLR normal », selon M. Doucet. Pour pallier ce manque, Rimouski « a choisi de travailler avec les libraires de la région, comme des commissaires : ils ont créé huit îlots thématiques : poésie, essais, roman, polars, etc. Ce sont eux qui préparent l’espace. Pour le visiteur, il va y avoir des exposants, et plusieurs livres et auteurs, surtout régionaux. »
Gestion d’énergie
Ces gros distributeurs seront au Salon du livre de Montréal. « C’est un enjeu, relancer les salons du livre », admet Benoît Prieur, directeur général de l’Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française. « L’énergie que ça demande est la principale problématique. On manque de ressources humaines, et il en faut beaucoup pour participer, réserver des stocks de livres, les déplacer, etc. Pour Montréal, tout le monde accepte de se retrousser les manches, même si ça va être difficile, poursuit M. Prieur. Personne ne remet les salons du livre en question : à moyen terme, on sait qu’on en aura besoin. C’est un formidable outil de promotion pour parler directement au public. »
« Une des magies du Salon du livre, renchérit le directeur du SLM, c’est que des milliers de personnes sont là en même temps pour découvrir des livres ou rencontrer des auteurs. Ces rencontres en présentiel n’ont pas la même résonance — elles sont plus fortes. Il faut les chérir », conclut M. Gougeon.
Le Salon du livre de Montréal se tiendra du 13 au 28 novembre.