Le Canada invité d’honneur à la foire du livre de Francfort

Après des années de préparation, la Foire du livre de Francfort, le plus gros événement de vente de droits pour l’industrie du livre dans le monde, accueille finalement le Canada comme invité d’honneur. Pandémie oblige, ce sont des allocutions vidéo préenregistrées des écrivaines Margaret Atwood et Joséphine Bacon qui ont été diffusées lors de la cérémonie d’ouverture de mardi soir. Alors qu’une soixantaine d’écrivains canadiens avaient été invités à se rendre à Francfort pour l’occasion, seulement huit ont accepté de faire le voyage, dont cinq Québécois : Catherine Mavrikakis, Dany Laferrière, Michel Jean, Kim Thúy et Heather O’Neill.
La COVID-19 a forcément contenu l’ampleur de l’événement, dont le Canada devait être l’invité d’honneur en 2020. Puisque cette édition s’est finalement tenue de façon strictement virtuelle, les organisateurs ont gardé le Canada en vedette cette année.
« Plusieurs événements ont été annulés », dit Caroline Fortin, directrice générale des éditions Québec Amérique et présidente du comité Canada FBM 2021. « Il a fallu des interventions politiques et diplomatiques pour convaincre les pays invités lors des années suivantes à déplacer leur année. »
L’Allemagne, un marché important
« Il faudra attendre la fin de la semaine pour savoir en quoi cette année est différente des autres », a ajouté Simon de Jocas, des éditions Les 400 coups, qui était sur place. « Mais je peux dire qu’habituellement, j’ai des réunions toutes les 30 minutes de 8 h 30 à 18 h du mercredi au samedi. Là, j’ai 12 rendez-vous sur deux jours… Ce n’est pas comparable. »
Reste que le Canada a fait traduire en allemand quelque 400 livres, dont une centaine de livres en français, en vue de l’événement. Le pays est d’ailleurs représenté par deux kiosques distincts, celui de Québec Édition et celui de Livres Canada Books. Le premier, à cause de sa proximité linguistique avec la France, est situé près des éditeurs européens ; le second est non loin des éditeurs américains et du monde anglo-saxon.
« Le livre allemand est l’un des marchés les plus importants au monde », dit Karine Vachon, directrice générale de l’Association nationale des éditeurs de livres et de Québec Édition. « Les Allemands lisent beaucoup. Ils ont une grande production et ils traduisent beaucoup. […] Lorsqu’un auteur est traduit en allemand, ça déboule souvent sur d’autres marchés. »
Le marché du livre allemand est près de deux fois plus important que celui du livre français, bien que la population du pays ne soit que légèrement supérieure à celle de son voisin.
En entrevue avec son éditeur allemand Christian Ruzicska, des éditions Secession, Catherine Mavrikakis, dont le livre Le ciel de Bay City vient d’être traduit, s’étonnait que son ouvrage qui aborde le sujet de l’Holocauste ait plu à un éditeur allemand. « Je trouvais plutôt qu’il y avait des images vraiment fortes, dures et intenses », a répondu Christian Ruzicska.
Il pleuvait des oiseaux
« La sémantique des images qui sont généralement utilisées pour essayer de faire voir l’horreur d’Auschwitz, ce sont des photos en noir et blanc qui ont été prises par les Alliés, au moment où on a vu l’horrible. Ce livre-là travaille avec d’autres couleurs, avec d’autres réalités. […] C’est une interprétation de la réalité à cause de la perspective que la jeune narratrice a dans sa tête. Elle est tellement traumatisée, hantée par ce qu’ont vécu ses grands-parents. On ne sait jamais si c’est quelque chose qu’elle rêve ou si c’est réel. »
Ces dernières années, le public allemand a notamment été séduit par le roman Il pleuvait des oiseaux, de Jocelyne Saucier, devenu un succès de librairie dans le pays, ajoute Karine Vachon.
D’ailleurs, en Allemagne comme ailleurs, la pandémie a été plutôt profitable au marché du livre. Dans le plus grand marché littéraire de l’Union européenne, les librairies ont vu leurs recettes en ligne bondir de 20 %. La vente de livres audio et numériques a également connu une croissance à deux chiffres. « L’industrie du livre a passé le test de résistance de la COVID », a noté mardi Karin Schmidt-Friderichs, présidente de l’Association allemande des éditeurs et des libraires.
Avec l’Agence France-Presse