«Une odeur d’avalanche»: amours crépusculaires

Trois paliers de récit alternent dans ce déroutant roman de Charles Quimper. Si les changements de ton et de registre peuvent agacer, force est d’admettre que chaque portion du roman enrichit les autres, jette un nouvel éclairage sur les événements et leurs conséquences à travers le temps, étoffe les personnages sans pour autant les dévêtir de leur mystère.
Photo: Antoine Tanguay Trois paliers de récit alternent dans ce déroutant roman de Charles Quimper. Si les changements de ton et de registre peuvent agacer, force est d’admettre que chaque portion du roman enrichit les autres, jette un nouvel éclairage sur les événements et leurs conséquences à travers le temps, étoffe les personnages sans pour autant les dévêtir de leur mystère.

« Chaque jour, il arpentait les rues du quartier en jetant un œil à travers les fenêtres des petits logements bordant le trottoir. Il traquait l’ordinaire. » Le quartier dont il est question dans Une odeur d’avalanche, c’est le quartier des Plouffe et d’Alys Robi, un quartier pauvre de Québec qui n’a rien d’ordinaire dans l’imaginaire de Charles Quimper (Marée montante, Alto, 2017 ; Les braises, Triptyque, 2019). Un imaginaire qui rappelle à la fois le réalisme magique des plus beaux films d’André Forcier et l’univers poétique des irrésistibles contes de Fred Pellerin.

Trois paliers de récit alternent dans ce déroutant roman. Si les changements de ton et de registre peuvent agacer, force est d’admettre que chaque portion du roman enrichit les autres, jette un nouvel éclairage sur les événements et leurs conséquences à travers le temps, étoffe les personnages sans pour autant les dévêtir de leur mystère.

Il y a d’abord, racontée par un narrateur omniscient, l’histoire d’un type surnommé Cowboy en raison de son accoutrement à la John Wayne, qui a « voyagé, écumé toutes les grandes Prairies en y occupant des petits boulots en tout genre ». Un soir, au bar Le Kirouac, le vieux gaillard s’éprend d’une beauté d’âge mûr. « Il était venu en espérant croiser un fantôme, un ange drapé de velours : la Dame en vert. Chaque mardi soir, la reine du continental prenait d’assaut la piste de danse, juste après l’heure du karaoké. »

Vient ensuite le journal rédigé à la machine à écrire dans les années 1970 de Jacob, qui vit avec sa mère et son beau-père dans un hôtel où venaient autrefois des pèlerins. Relatant les incidents insolites dont il est témoin, il s’épanche sur sa relation avec une jeune fille énigmatique. « La première fois que j’ai vu Pénélope, c’était comme si j’avais mis les doigts dans une prise de courant. On n’avait pas plus que huit ou neuf ans. »

Semblables à de vieilles coupures de journaux, suivent les chroniques d’Adjutor Leroux, « La pie de Saint-Sauveur », où sont rapportés les cataclysmes et les phénomènes incroyables s’étant déroulés à Saint-Sauveur, dont les apparitions de la Vierge, des années 1950 à 1970. « Vêtue de lumière, elle fait craquer ses jointures, enfile une paire de gros verres fumés qui lui donne des airs de Jackie Onassis, puis elle quitte les lieux en direction du boulevard Charest. »

Hormis le quartier, qui préserve son aspect merveilleux à travers les époques, rien ne semble d’abord relier les histoires entre elles. Un lecteur pressé, paresseux ou peu curieux pourrait avoir envie de laisser tomber l’une des parties afin de se concentrer sur les autres. Ce qui serait une fatale erreur de sa part. Négliger l’une ou l’autre de ces parties en viendrait à fragiliser la délicate structure du roman. À passer à côté d’un détail révélateur ou d’une date récurrente. À risquer de reconstituer imparfaitement cette fresque spatiotemporelle où Quimper parled’amour et de deuil en jonglant habilement avec le ludique, le romantique et le tragique.

Une odeur d’avalanche

★★★

Charles Quimper, Alto, Québec, 2021, 157 pages

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