«Notre sélection bédé du mois d’août»: le diable est dans les références

Une planche de l’album «Le divin scénario»
Illustration: Actes Sud – L'An 2 Une planche de l’album «Le divin scénario»

Tout entraîneur sportif vous le dira : il ne fait pas de mal, une fois de temps en temps, de retourner à la base. En littérature, cela se traduit par un désir de revisiter les grands classiques, parce que, par eux, tout a déjà été raconté. Mais, dans le cas qui nous intéresse ici, c’est-à-dire la bande dessinée Le divin scénario de l’Italien Fabrizio Dori (aux dessins) et du Français Jacky Beneteaud (au scénario), on ne court aucun risque et on va piger allègrement dans l’ensemble de la mythologie littéraire. Avec un résultat, ma foi, assez surprenant bien que parfois un tantinet brouillon à certains égards.

Alors, ce divin scénario, c’est celui qui émane de Dieu le père en personne, dont l’apparence n’est pas ici sans rappeler la mascotte du jeu Monopoly Uncle Pennybags, qui constate que les humains sont méchants et que la terre est cruelle parce qu’il a oublié d’y envoyer son fils unique pour les sauver. Pour remédier à la situation, il demande à l’ange Gabriel de trouver une certaine Marie, quelque part en l’an moins un avant Jésus-Christ, une lectrice qui serait dans le coin de Nazareth afin de lui demander de porter son fils.

Armé de son GPS spatiotemporel et d’un téléphone intelligent, Gabriel entreprend sa quête… qui aurait dû s’accomplir assez facilement, n’eût été toutes ces distractions qu’il rencontre en chemin. Et c’est sans compter sur tous ces personnages féminins qui ne demandent qu’à rencontrer leur sauveur ! Alors, que ce soit la sirène attendant Ulysse dans L’odyssée, Shéhérazade à qui il manque un conte pour atteindre les mille et un, ou encore Marilyn qui cherche cruellement quelqu’un pour lui donner la réplique, l’ange se rend vite compte qu’il n’est pas aussi facile que prévu d’emballer vite fait bien fait sa mission afin de revenir le plus tôt possible faire la fête à l’Olympe. Parce que, oui, en plus de mélanger les divers récits fondateurs, on en met une couche de plus en intégrant les diverses mythologies.

C’est donc un récit complexe, qui demande une bonne dose de connaissances littéraires si on veut saisir l’ensemble des références pour y trouver un certain plaisir. Même chose pour le dessin de Dori, truffé de citations (Van Gogh, Klimt et Egon Schiele, par exemple), mais qui demeure admirable pour sa richesse seule et pour sa palette de couleurs variée, adaptée aux récits desquels il s’inspire. On pourrait avoir envie de lui reprocher un certain manque de souplesse dans les scènes où il y a plus d’action, mais on comprend aussi qu’il doive s’adapter à la complexité du récit. Il y a plusieurs cases, beaucoup de texte et le travail de découpagea dû être fastidieux.

Cela étant dit, certaines petites choses agacent, comme ce personnage de Satan, qui intervient ici et là pour ralentir l’action alors que le véritable ennemi de Gabriel est lui-même et sa nonchalance. C’est à se demander si Jacky Beneteaud n’a pas senti le besoin d’intégrer absolument le plus grand antagoniste biblique. Dans un film, on a l’impression qu’il aurait été coupé au montage, et cela n’aurait pas changé grand-chose.

En conclusion, Le divin scénario est quand même, dans l’ensemble, à la hauteur de l’immense ambition de Jacky Beneteaud et de Fabrizio Dori : complexe et touffu, agréable à lire et drôle (on pense souvent aux anachronismes que l’on retrouve dans les albums d’Astérix) et adroitement documenté. D’ailleurs, si vous avez peur d’en rater une, sachez que toutes les références se retrouvent à la fin de l’ouvrage. Une belle surprise pour finir tranquillement l’été.

C’est pas parce qu’on est petit qu’on ne peut être écolo!


Le petit livre de l’écologie
★★★ 1/2
Hervé Bourhis (dessin et scénario), Dargaud, Paris, 2021, 152 pages
 

Le français Hervé Bourhis poursuit ici sa série des « petits livres »,ouvrages consacrés à divers sujets, dont le rock ou encore les Beatles, avec comme sujet, cette fois-ci, l’histoire de l’écologie. Présenté sous forme de petites vignettes chronologiques au ton parfois cynique et décalé, ce n’est évidemment pas un essai universitaire sur le sujet, mais il permet quand même d’en faire le survol alors qu’on se dit, au bout du compte, qu’on n’est pas vraiment sortis de l’auberge !


Allumer le feu


The Doors en BD
★★★
Gaët’s (scénario) et dessin collectif, Petit à petit, Rouen, 2021, 176 pages
 

Mort dans des circonstances troubles il y a 50 ans, Jim Morrison, personnage et poète élevé au rang de légende par ses admirateurs, fascine encore et toujours aujourd’hui. Oui, il est question de l’histoire des Doors, dans cette bande dessinée documentaire signée Gaët’s, appuyé ici par un collectif de dessinateurs qui illustrent chacun une partie de l’histoire, mais c’est quand même Morrison qui demeure au coeur de ce récit fragmenté porté par les textes des chansons devenues maintenant des classiques du rock. Ça ne réinvente pas le genre, mais ça tient la route.


Vie de bureau (et autre télétravail)


Open space Pandémie, télétravail et autres contrariétés
★★★ 1/2
James (dessin et scénario), Dargaud, Paris, 2021, 160 pages
 

Publiée à l’origine dans l’hebdomadaire économique français Challenges, la série Dans mon Open Space, de l’auteur de bande dessinée français James se veut comme un habile mélange des bandes originales de Matt Groening (époque Life in Hell), de Dilbert et de la série télé The Office originale, celle pensée par Ricky Gervais. Donc, toute l’absurdité de la vie de bureau à laquelle on ajoute le variant pandémique et le télétravail. On sourit, souvent, parce qu’on s’y retrouve, malheureusement.

Le divin scénario

Jacky Beneteaud (scénario) et Fabrizio Dori (dessin), Actes Sud « L’An 2 », Arles, 2021, 192 pages



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