Iris raconte un chat, une fille

« Eh oui ! Cette bédé est née de la pandémie. Tout ça m’a rendue nostalgique, j’ai fait du ménage dans mes affaires, un peu comme tout le monde, j’imagine, et j’ai ressorti mes vieux carnets. Je les ai feuilletés et, en retombant sur des trucs de 2009, je me suis rendu compte que ce n’était pas si pire ! »
On pourrait aussi penser que tout ça n’était qu’un heureux prétexte pour permettre à Iris d’aller fouiller dans une carrière qui dure depuis une quinzaine d’années, histoire de s’offrir un regard rétrospectif sur une trajectoire bien remplie.
Détentrice d’un baccalauréat en bande dessinée de l’Université du Québec en Outaouais en 2006, elle faisait paraître, déjà la même année, un premier album chez Mécanique générale, Dans mes rellignes. Avec ça sont venues les résidences, autant d’occasions d’aller travailler à l’étranger voir si on y est différent, en mieux ou en pire. Moments privilégiés pour créer et s’inspirer. C’est dans ces souvenirs qu’Iris est allée chercher la matière pour Occupez-vous des chats, j’pars !. Une belle occasion de constater le chemin parcouru.
« J’ai retrouvé aussi des fanzines faits à l’époque, que peu de gens avaient lus. j’ai approché Luc [Bossé, des Éditions Pow Pow] avec ça et je lui ai demandé si ça lui tentait qu’on fasse un recueil parce que j’en ai plusieurs qui parlent de mes voyages. Il a dit oui et je me suis dit que j’allais ajouter quelques inédits pour mettre de la chair autour de l’os, mais comme tu as pu le voir, il y en a beaucoup plus que ça. Je me suis un peu laissé emporter ! »
Réglons d’emblée un problème d’appellation qui agace de plus en plus d’auteurs de bédé, à savoir l’utilisation du mot bédéiste pour les décrire, mot qui, s’il fait particulièrement rire les auteurs français, chatouille un peu plus ici.
« Je ne trouve pas ça particulièrement beau, mais ça ne me dérange pas, je ne m’enfarge pas dans les mots comme ça. En fait, j’aime bien auteure ou autrice. Ce que j’aime moins, par contre, c’est lorsqu’on me présente comme illustratrice. Même si je le suis quelque part, ce n’est pas ma fonction première, qui est de faire de la bande dessinée comme auteure. Comme je fais aussi de la scénarisation, je dirais que je me sens plus auteure qu’illustratrice. »
Ton dessin a beau en mettre plein la vue, si le lecteur ne comprend pas l’action, ce n’est pas réussi. L’étape du dessin est celle que je trouve la plus difficile.
Regard assez lucide sur sa propre production. Parce que les mots occupent une grande place dans les récits d’Iris alors que, pour elle, le dessin est aussi une forme d’écriture. « Ton dessin a beau en mettre plein la vue, si le lecteur ne comprend pas l’action, ce n’est pas réussi. L’étape du dessin est celle que je trouve la plus difficile. Comme le découpage, c’est un moment qui demande beaucoup de concentration et c’est là ou la magie opère. Et c’est drôle parce que lorsque j’en parle, du fait que je trouve la portion consacrée au dessin plus difficile, on me demande souvent pourquoi je ne fais pas que de la scénarisation et que je ne laisse pas le dessin à quelqu’un d’autre. Mais je suis un peu control freak. Ça ne me tente pas de laisser aller une partie du processus. Je sais ce que je veux, je sais quelles expressions doivent avoir les personnages, alors je prends mon mal en patience et je le fais ! »
Finalement, après avoir fouillé ses carnets, quel bilan Iris dresse-t-elle de son trajet d’autrice ? « Ce qui me frappe, c’est à quel point mon dessin n’était pas si mauvais en 2009 ! Je suis un peu surprise. J’ai fait des choses, après, que je trouve plus moches. Je ne sais pas pourquoi, c’est mystérieux. C’est triste à dire, mais j’ai l’impression que j’avais plus confiance, que j’avais plus de guts à mes débuts. Plus on avance dans le livre, plus j’ai le syndrome de l’imposteur et plus je me dis que je ne mérite pas les voyages que l’on m’offre de faire. C’est un triste constat. On dirait que plus j’avance, plus j’ai du succès, plus je doute de moi-même. C’est peut-être la conséquence de réussir ? »
Ou, tout simplement, de la sensibilité et de la lucidité.
L’autre versant de l’histoire coloniale

« C’est le Québec qui est né dans mon pays ! »
★★★★
Emanuelle Dufour, Écosociété, Montréal, 2021, 208 pages
Détentrice d’une maîtrise en anthropologie et d’un doctorat en éducation par les arts qui croisent sécurisation culturelle et bande dessinée, Emanuelle Dufour permet ici de réaliser à quel point nous connaissons mal et très peu les peuples autochtones chez qui nous sommes débarqués, et ce, pas nécessairement pour le meilleur ! La particularité de cet album documentaire, c’est la façon qu’a Dufour de laisser la parole à ceux qui en sont traditionnellement privés, avec sensibilité et intelligence. À mettre entre toutes les mains.
Ça va bien aller?
Jusqu’ici tout va bien
★★★
Jan Novák et Jaromir 99, Presque lune, Rennes, 2021, 272 pages
Que vaut vraiment la liberté ? C’est la question qui se pose à la lecture de ce très sombre (au propre et au figuré) récit ayant pour personnages principaux les frères Ctirad et Josef Masin, héros de la résistance anticommuniste en Tchécoslovaquie durant les années 1950. C’est dur et glauque, mais probablement pas autant que de passer plusieurs nuits cachés dans une forêt est-allemande à combattre l’ennemi et la dysenterie. Malheureusement, pas toujours facile de s’y retrouver.
Sympathique zombie

Mort et déterré Pas de quartier pour les macchabées
★★★
Jocelyn Boisvert et Pascal Colpron, Dupuis, Charleroi, 2021, 48 pages
Le premier tome de la série Mort et déterré, paru en 2019, était passé sous notre radar. Qu’à cela ne tienne ! Le deuxième, qui vient de sortir, nous a permis de découvrir cette sympathique série pour ados scénarisée par Jocelyn Boisvert et dessinée par Pascal Colpron. Il raconte les aventures pas piquées des vers de Yan Fauché, 13 ans, assassiné, mort et enterré. Mais pas vraiment mort… Sympa et drôle !
Vampire, vous avez dit vampire?

Quand je suis arrivée au château
★★
Emily Carroll, IMHO, Paris, 2021, 72 pages
Étoile montante de la bédé aux saveurs gothiques épicées de surnaturel, l’Ontarienne Emily Carroll nous propose un conte érotico-effrayant mettant aux prises une chasseuse de vampires et sa proie, bien cachée dans son château labyrinthique. Malheureusement, le récit se perd dans ses propres dédales et le manque de soutien narratif rend l’ensemble un peu ordinaire, loin d’être à la hauteur du dessin.