«Le parfum des fleurs la nuit»: dormir au musée

Photo: Éditions Stock, photomontage «Le Devoir»

La proposition pourrait faire rêver : passer une nuit dans la Punta della Dogana, les anciennes douanes de mer de Venise, transformées depuis 2009 en un musée d’art contemporain, qui expose une partie des œuvres de l’importante collection Pinault.

La romancière franco-marocaine Leïla Slimani (Prix Goncourt en 2016 pour Chanson douce), sollicitée pour vivre cette expérience, a tout de suite été enchantée par l’idée d’être enfermée quelque part. « Que personne ne puisse m’atteindre et que le dehors me soit inaccessible. »

Habituée aux retraites de trois ou quatre jours dans une maison à la campagne ou dans des chambres d’hôtel, elle s’est ainsi retrouvée, un soir d’avril 2019, seule dans le Palazzo Grassi avec l’impression d’être au cœur d’un organisme vivant, comme « avalée par une baleine ». L’écrivaine, dont le prénom en arabe signifie « la nuit », évoque ainsi son attirance précoce pour la vie nocturne. « Je ne voulais pas être une petite fille sage. »

D’abord réticente — l’art contemporain l’intéresse assez peu, explique-t-elle —, cette adepte de la solitude et du silence (« La littérature consiste dans une érotique du silence. Ce qui compte, c’est ce qu’on ne dit pas ») se laisse vite gagner par les lieux et nous entraîne avec elle au cœur de la lente et splendide agonie de Venise, qui lui rappelle l’urgence de vivre et d’écrire.

Avec intelligence et passion, Leïla Slimani propose, dans Le parfum des fleurs la nuit, un mélange d’autobiographie et de réflexions sur la vie et sur l’écriture. Écrire, dit-elle, c’est se confronter à soi-même. Il faut savoir « cultiver ses chagrins comme les laborantins cultivent des bactéries dans des bocaux de verre. Il faut rouvrir ses cicatrices, remuer les souvenirs, raviver les hontes et les vieux sanglots. »

L’occasion aussi d’évoquer la figure de son père, qui s’était retrouvé à tort au centre d’un scandale politico-financier au Maroc et qui est décédé quelques mois seulement après sa sortie de prison. Un deuil qui se double d’un cadeau, pour elle comme pour nous, puisque sa disparition lui a ouvert des voies qu’elle n’aurait jamais osé suivre sinon.

Le parfum des fleurs la nuit

★★★

Leïla Slimani, Stock, coll. « Ma nuit au musée », Paris, 2021, 128 pages

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