
Littérature jeunesse en quatre temps

Ce premier panorama ouvre la voie à une diversité et à une richesse créatrice des plus enviables. Jean-Pierre Davidts, Jonathan Bécotte, les duos Carl Norac-Stéphane Poulin et JonArno Lawson-Qin Leng jouent de sensibilité et d’inventivité en s’adressant à l’intelligence des enfants. Arrêt sur une jolie sélection de lectures.
Transmission

Au petit matin, une fillette se lève, court à la cuisine prendre son déjeuner avec son aïeul, pour ensuite préparer les étals et ouvrir le magasin général. Au-dessus du commerce, un deuxième étage un peu oublié est mis en location par le vieillard. Après quelques visites infructueuses, un couple signe le bail, rénove, enjolive ce petit îlot et prend la relève du commerce. Album sur la transmission, sur le temps qui passe et sur les liens qu’il permet de créer,
L’histoire sans texte imaginée par JonArno Lawson prend son sens dans les illustrations signées Qin Leng. Variant entre les plans d’ensemble, les vignettes et les gros plans, chacune des scènes est présentée avec détails, insistant sur le mouvement, la vie qui se joue autour et dans cette maisonnée. Le trait délicat, et tout à la fois grouillant de vie, épouse avec une infinie douceur la beauté de l’histoire. Le cœur à l’ouvrage, les personnages irradient ainsi tout autour d’eux, créant par ailleurs un effet d’entraînement, de solidarité et d’amitié. Un album enveloppant, invitant, et humainement réconfortant.

Carl Norac et Stéphane Poulin évoquent à leur façon cette idée de transmission, ce besoin de poursuivre tout en se souvenant d’hier. Lucky Joey, un petit écureuil laveur de vitres dans le grand New York, est amoureux de Léna. Ensemble, ils rêvent de se marier, de danser sur une « colline de fleurs » sous une « pluie de noisettes au caramel ». Mais la vie n’étant jamais aussi simple, les chemins parfois tortueux, ce beau projet est reporté lorsque la nacelle de Joey tombe et fracasse au passage quelques carreaux. Sain et sauf, il est toutefois renvoyé par son patron.
Dans son désespoir, l’écureuil repense alors à la noisette dorée laissée en héritage par son vieil ami Grizzly. À l’intérieur, la recette de délicieux biscuits. S’amorce alors le début d’un avenir bâti à l’aide d’un legs et d’un souvenir heureux. L’album
Du côté du roman

« — It’s ok honey, say hello, dit Sandie à l’enfant gêné. Mon père m’avait déjà appris le mot honey. Ça veut dire “miel” […] Je voudrais bien être gentil. Je fouille dans les poches de ma veste / Et trouve un petit sachet de ketchup […] Je le lui tends : — Allo Honey, I’m Ketchup ». C’est ainsi que débute une histoire de fratrie entre deux garçons, un francophone et un anglophone, réunis par l’amour de leurs parents respectifs. Jonathan Bécotte ouvre le bal de 2021 avec
On se laisse ainsi porter par la beauté de cette « langue de l’entre-deux », là où se rejoignent les enfants « au milieu des phrases ». Plusieurs perles ponctuent l’histoire, notamment ce butterfly qui devient du beurre volant, cette journée qui tombe comparée à l’accouchement du soleil, le liquid paper semblable à « une pâte que l’on étend sur les fautes/Pour les faire disparaître » ou encore ces fireflies que l’on compare à des « petites fées qui s’échappent de la braise ». Mais toute cette magnificence ne trouve malheureusement pas écho dans les quelques illustrations froides de Sabrina Gendron. Le trait réaliste et sans âme ne laisse aucune place à l’imagination et rompt ainsi avec la lumineuse poésie de l’auteur. Dommage.
Comme tout le monde à la cour depuis un moment, le roi Léon s’ennuie, broie du noir, trouve le temps long. Même le cuisinier, « d’ordinaire si joyeux, ne préparait plus que des plats déprimants : des brochettes d’épinards, de la mousse d’épinards, du chou farci aux épinards… » Mais cela, c’était avant l’arrivée de la Grande Décoratrice, la gazelleHectrik, qui, armée de plusieurs atouts, notamment d’un sens de la persuasion, entreprend de transformer le décor du château.

Autrefois publiée chez Boréal, la série « Les mésaventures du roi Léon » poursuit sa route chez Soulières Éditeur avec ce 17e titre intitulé