Des essais sous le signe de la diversité humaine

Au Québec, le racisme a, l’an dernier, accompagné, dans un hôpital, la triste fin de l’Attikamek Joyce Echaquan. Redevient urgente comme jamais l’ouverture à la diversité humaine.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne Au Québec, le racisme a, l’an dernier, accompagné, dans un hôpital, la triste fin de l’Attikamek Joyce Echaquan. Redevient urgente comme jamais l’ouverture à la diversité humaine.

Le racisme, problème que beaucoup jugent systémique, est réapparu dans lesmédias en 2020 à la suite de la mort tragique, à Minneapolis, de l’Afro-Américain George Floyd lors d’une intervention policière. L’événement a fait le tour du monde. Au Québec, le racisme a, la même année, accompagné, dans un hôpital, la triste fin de l’Attikamek Joyce Echaquan. Redevient urgente comme jamais l’ouverture à la diversité humaine.

Avocat et ancien ministre péquiste, David Cliche en est convaincu dans son essai Un seul Québec (Boréal, 9 mars). Par un « dialogue avec les Premières Nations (1978-1995) », il tente de concilier les aspirations autochtones avec le projet de la souveraineté du Québec.

Quant à l’Innue Natasha Kanapé Fontaine et au Québéco-Américain Deni Ellis Béchard, tous deux écrivains, ils ajoutent, en souvenir de George Floyd et de Joyce Echaquan, du contenu inédit à la nouvelle édition de leur livre de 2016, Kuei, je te salue : conversation sur le racisme (Écosociété, en librairie). Il semblerait assez difficile d’imaginer croisement plus intéressant de consciences identitaires.

Pédiatre rattaché à Montréal au Centre universitaire de santé McGill, Samir Shaheen-Hussain publie, de son côté, un récit critique de son expérience professionnelle auprès des Autochtones. Il donne aux pages de Plus aucun enfant autochtone arraché (Lux, 4 février) l’allure d’un manifeste, où, « pour en finir avec le colonialisme médical canadien », il dénonce le déracinement imposé à des gens issus des Premières Nations.

En remontant au XIXe siècle, l’historien Guillaume Marcotte observe les relations entre les employés d’ascendance européenne des compagnies de traite de fourrures et les Autochtones. Son ouvrage De freemen à Métis : l’histoire retrouvée des gens libres entre la baie James et Montréal (PUL, mars) traite d’une nouvelle couche sociale formée d’anciens engagés qui demeuraient dans le « pays indien » ou atteignaient une région urbanisée avec leur épouse autochtone et leurs enfants métis.

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Le métissage biologique et culturel n’est pas étranger à l’attrait de l’altérité qui caractérise notre sensibilité littéraire, comme en témoigne l’essai Sortir du bocal, des critiques David Bélanger et Michel Biron (Boréal, 16 mars), dialogue épistolaire sur le roman québécois. On y trouve un entretien imaginaire entre Montaigne, déjà intéressé au XVIe siècle par les Autochtones, et An Antane Kapesh (1926-2004), pionnière au Québec de la littérature écrite innue.

Le thème de la diversité est si fondamental qu’il permet seul de comprendre notre évolution commune. Voilà ce que reflète L’histoire nationale du Québec, ouvrage collectif dirigé par Félix Bouvier et Charles-Philippe Courtois (Septentrion, 16 mars). À la bonne entente entre les descendants des Canadiens de la Nouvelle-France et ceux des Britanniques arrivés depuis la Conquête de 1759-1760 (incluant d’autres gens unis à ceux-ci) s’opposent les velléités d’émancipation de la nation québécoise.

Présenté par Jean-François Nadeau, aussi chroniqueur et journaliste en ces pages, et annoté par Jonathan Livernois, J’attends de toi une œuvre de bataille rassemble la correspondance inédite (1944-1996) entre l’essayiste Pierre Vadeboncœur, indépendantiste, et son ami l’homme politique Pierre Elliott Trudeau, fédéraliste (Lux, 11 février), autour de laquelle se cristallise le débat identitaire. Les historiens Marcel Fournier et Alex Tremblay Lamarche fouillent la dimension familiale restée secrète de ce même débat dans Les premières familles anglo-canadiennes issues des alliances mixtes au Québec 1760-1780 (Septentrion, 11 mai).

Il ne faudrait pas exclure des relations intimes le respect de la diversité ainsi que le rejet de l’oppression exercée par les forts sur les faibles. La militante féministe québécoiseThérèse Lamartine en est très consciente dans son livre Justice sera-t-elle enfin rendue ? Weinstein, Matzneff, Rozon et les autres (M Éditeur, février) sur les prédateurs sexuels d’ici ou d’ailleurs.

Cependant, Un café avec Marie, de l’anthropologue et chroniqueur radiophonique Serge Bouchard (Boréal, 2 mars), recueil de 70 textes brefs, révèle un aspect immensément positif de la diversité intime. Dans des pages inédites, l’observateur de la vie quotidienne rend hommage à sa compagne défunte, Marie Lévesque, en rappelant que la diversité humaine peut conduire à l’enrichissement mutuel de deux êtres.

Essai d’ailleurs

Contre les femmes : la montée d’une haine mondiale, essai du sociologue néerlandais Abram de Swaan (Seuil, 4 mars), expose une thèse saisissante. Selon l’auteur, l’extrémisme musulman et le populisme occidental d’extrême droite se ressembleraient dans leur résistance à l’émancipation des femmes. Ce progrès, les partisans des deux courants ne le supporteraient pas. À leurs yeux, depuis la seconde moitié du XXe siècle, si les hommes ont peu perdu matériellement, ils ont beaucoup perdu en prestige et en ascendance. Cela provoquerait une noire colère conservatrice.



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