«Exit», numéro 100

Fondée en 1995 dans le sillage de la défunte revue «Gaz moutarde» par le poète Tony Tremblay et par l’éditeur et conteur André Lemelin, Exit est maintenant dirigée par le poète Stéphane Despatie.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Fondée en 1995 dans le sillage de la défunte revue «Gaz moutarde» par le poète Tony Tremblay et par l’éditeur et conteur André Lemelin, Exit est maintenant dirigée par le poète Stéphane Despatie.

Pour fêter son centième numéro, la revue de poésie contemporaine Exit publie une édition commémorative et anniversaire, qui voyage à travers ses 25 ans en reprenant des textes publiés au fil du temps. Par exemple, 47 poèmes, par ordre chronologique, signés par des habitués de la revue, des disparus, des ex-nouvelles voix maintenant bien installées, dont Hélène Monette, Fernand Durepos, Isabelle Forest,Francis Catalano, Daniel Leblanc-Poirier, Marie-Hélène Montpetit, Yves Boisvert, Denise Brassard et Jean-Philippe Bergeron, pour n’en nommer que trop peu.

Fondée en 1995 dans le sillage de la défunte revue Gaz moutarde par le poète Tony Tremblay et par l’éditeur et conteur André Lemelin, Exit est maintenant dirigée par le poète Stéphane Despatie. Celui-ci a la voix qui sourit en se rappelant qu’il n’avait pas remis son poème dans les délais pour sa publication, comme prévu, au premier numéro. Il n’y a pas que sa ponctualité qui a changé depuis : si la ligne éditoriale est restée stable, la communauté des poètes d’Exit a mué depuis, ainsi que leurs manières d’écrire, explique M. Despatie.

« On était au début plus spectaculaires, se rappelle-t-il. C’était l’époque où il y avait plein de lectures dans les bars, où on se faisait payer une bière pour un poème lu — “un poème, un ticket, une bière”. Il y avait beaucoup d’effets spectaculairesdans nos textes, plus racoleurs, même inconsciemment. On cherchait probablement à gagner davantage un public qu’un lecteur. Il y avait plus de place aux gars, aussi, qui parlaient à cette époque plus fort. On est passés ensuite à une parole plus intime ; et maintenant, à une forme d’indignation, et à une sorte de colère. Ce sont les mêmes auteurs, mais qui ont navigué. »

L’idée de faire de la place à la relève en mêlant de purs inconnus aux auteurs établis et influents, comme Patrice Desbiens et Danielle Roger, demeure encore au cœur des décisions. « Le lexique a changé, chez les poètes qui sont avec nous depuis longtemps, mais on reconnaît le style, et la manière de travailler », poursuitle directeur, soulignant que ce centième numéro donne vraiment le pouls de toute une époque poétique.

On était au début plus spectaculaires. C’était l’époque où il y avait plein de lectures dans les bars, où on se faisait payer une bière pour un poème lu — “un poème, un ticket, une bière”. Il y avait beaucoup d’effets spectaculaires dans nos textes, plus racoleurs, même inconsciemment. On cherchait probablement à gagner davantage un public qu’un lecteur.

Les façons d’entrer dans le poème

L’évolution principale, « c’est qu’on s’est ouverts à l’étranger, dit M. Despatie.Des textes d’un peu partout, en traduction, côtoient ceux des auteurs d’ici, font qu’on se confronte à d’autres poésies ». Ils viennent plus particulièrement d’Amérique latine, avec un corpus clair du Mexique, et d’Italie, du monde anglo-saxon, mais aussi de Bulgarie ou de Belgique.

« Quand je suis arrivé en Russie en 2000, j’ai vu que ce qu’on considérait ici comme dépassé était là-bas résolument moderne. Ils n’étaient pas en retard : ce n’est qu’une question de perception. Le moderne, finalement, n’est qu’une manière d’entrer dans le poème. Et ce numéro 100 est une occasion de voir ces mouvements-là, les manières différentes d’entrer dans le poème, les postures — ça, il y en avait beaucoup plus à l’époque. »

Que vise Exit pour l’avenir ? « L’équipe est faite de gens assezbouillants, mais qui sont là depuis longtemps. Je souhaite qu’on continue d’avoir une ouverture, cette curiosité vers les plus jeunes et les nouvelles formes. J’aimerais que les jeunes continuent de croire qu’ils ont leur place chez nous, et qu’ils viennent nous bousculer. On aime bien, au comité de lecture, quand on est tous d’accord contre un texte. En général, c’est signe d’une unanimité vers quelque chose qui nous dépasse, nous échappe, et qu’on doit relire avec un autre point de vue. Cette capacité, je nous la souhaite pour longtemps. Une revue, c’est un laboratoire : c’est aussi aux auteurs de nous bousculer. »

L’usine

les poupées naissent en Chine
avec un regard de plastique
dans une usine kaki

un défilé en chaîne pour les coloriages
les corps en acrylique à paillettes
s’alignent sur leurs petites boîtes

sur les murs de la fabrique
brillent des taches de fard
et des éclats de paupières

Roseline Lambert
Exit, no 84


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