«Comment (et pourquoi) je suis devenue végane»: ouvrir les yeux

Diplômée en arts visuels à l’UQAM, massothérapeute depuis plus de dix ans, Eve Marie Gingras s’est engagée en 2011 dans une réflexion à propos du véganisme, une démarche à la fois émotive et intellectuelle qui s’incarne aujourd’hui dans sa première bande dessinée, un livre paru aux Éditions Écosociété qui allie la force des images et la pertinence des faits : Comment (et pourquoi) je suis devenue végane.
Depuis ce jour où, les deux mains dans le bœuf haché, elle fut prise d’un terrible haut-le-cœur, l’autrice voit ses interrogations sur la façon dont on traite les animaux se transformer en constat : « Il n’y a pas de mort douce pour un animal de consommation. Et généralement, leur vie n’est pas trop enviable non plus. » En lisant des ouvrages sur la question, à commencer par ceux d’Élise Desaulniers, directrice générale de la SPCA de Montréal, chercheuse et autrice, qui signe la préface du livre, Gingras cesse de considérer la violence envers les animaux comme étant inéluctable.

Dans cette bande dessinée dont l’autrice est aussi la narratrice, tous les aspects de l’exploitation animale sont abordés. Il est question des terribles conditions d’élevage des vaches, poules et cochons, mais également du dégriffage, de la fourrure, du cuir, de la laine, du duvet, du foie gras et des animaux impliqués dans le divertissement.
Jonglant habilement avec les concepts de souffrance, de conscience et d’intelligence, avec les notions de dissonance cognitive, de spécisme et de carnisme, avec les dimensions environnementales, climatiques et épidémiologiques et les notions de citoyenneté animale, de résidence permanente des animaux liminaux et de souveraineté des animaux sauvages, Eve Marie Gingras a fait ses devoirs.
« Je pourrais vous parler jusqu’à demain matin de toutes les absurdités morbides que l’on fait subir aux êtres animaux, soutenues par nos habitudes collectives, sur l’autel de la croissance économique. Parfois, je me sens minuscule et vaine à constater tout ce qui se commet et que je ne peux empêcher. J’asphyxie. »
Certainement explicites, dérangeantes, les illustrations sont également sensibles, jamais sensationnalistes. Mais c’est le texte qui occupe une place prépondérante. Bien plus que d’un témoignage ou d’un récit, il s’agit d’un vibrant plaidoyer, d’une habile vulgarisation des enjeux du véganisme, de ses différents courants de pensée.
Particulièrement réjouissants sont les passages, malheureusement plus rares, où l’autrice traite de la relation qu’elle entretient avec sa clientèle, ses proches et son chien, mais aussi de son rapport au corps, aux réseaux sociaux et aux parallèles troublants entre le féminisme et le véganisme, autrement dit entre le patriarcat et la domination animale. « Le véganisme ne peut certainement pas, à lui seul, régler tous les problèmes auxquels on fait face, mais, comme les autres mouvements progressistes, il contribue efficacement à remettre en question les discours dominants oppressifs. Ça me plaît ! »