À quoi pense Mark Zuckerberg?

Dans son film Le réseau social, David Fincher a fait du créateur de Facebook un codeur forcené, un individu brutal, vaguement sociopathe. Pour le journaliste Julien Le Bot, l’homme est plus complexe, flou et insaisissable que cela. Son enquête fouillée et critique décrypte avec brio le parcours, les ambitions et la vision du virtuose des réseaux.
Mark Zuckerberg est né dans l’État de New York en 1984, d’un père dentiste technophile et d’une mère psychiatre. L’entrepreneur et philanthrope, père de deux filles, vit modestement, malgré sa fortune évaluée à 62 milliards de dollars en 2019.
Le Bot montre qu’il est impossible de dissocier l’homme de son entreprise. Héritier de la culture hacker fondée sur la gratuité des informations, il règne en maître absolu, ô paradoxe, sur une organisation devenue le rouage ultra-rentable de la nouvelle économie de la surveillance et de la publicité ciblée.
Sa parole publique est aseptisée. Il se révèle donc difficile de percer sa pensée, estime le journaliste. Malgré les erreurs de jugement et les scandales, Zuckerberg voit toujours plus loin avec, notamment, Libra, son projet contesté de cryptomonnaie. En restant convaincu qu’il agit pour le progrès de l’humanité, il fait preuve d’un techno-optimisme quasi messianique un peu naïf et d’un certain dogmatisme, avance Le Bot.
Les bonnes intentions ne sauraient l’exonérer de toute responsabilité, affirme le journaliste. De fait, celui-ci croit que Zuckerberg trahit l’idéal d’émancipation qu’il défend lorsqu’il refuse de voir la transformation de son réseau en arme de « désinformation massive pouvant conduire jusqu’à la mort. » En voulant faire croître Facebook à tout prix, il sous-estimerait, par exemple, les enjeux que son entreprise soulève. Ce faisant, le serial dealer de données personnelles risque de perdre le contrôle de sa création, laquelle représente déjà une menace pour la démocratie.