Poésie: avoir conscience d’un certain désastre

Quarante-huit recueils de poésie ! Voilà ce qu’on attend dans les prochains mois en poésie, et Le Noroît à lui seul en publiera le tiers ! Simon Pinchaud, le nouveau venu dans la collection « Initiale » du Noroît, ouvre la saison avec Nul si découvert (22 janvier). Il nous incite à prendre « une Tyrolienne de paroles », pour découvrir, sans doute posé « sur la minijupe de [nos] paupières », « le panier de nos intermittences » afin de soulever « la jaquette de notre essai ».
Chez Serge Mongrain (29 janvier), Le murmure des vagues nous apporte « mille nuances / mille reflets [qui] s’épivardent / de fulgurances ».
De son côté, Virginie Savard nous invite à la suivre dans ses Formes subtiles de la fuite (Triptyque, déjà en librairie). On sait d’emblée que la saison soulignera de diverses façons ces temps obscurs que nous vivons.
Ce recueil retrace les angoisses surgissant d’un univers hostile, s’obstine à faire battre le cœur essentiel. Cette cartographie, François Godin la fait également sienne dans ses Lignes d’effondrement (Le Lézard amoureux, 29 janvier). Les fins du monde y sont décrites en quatre volets, rameutant l’émoi de toute condition humaine.
Il nous faudra prendre les Empreintes (Les Écrits des Forges, 17 février), de Germaine Beaulieu, pour saisir son témoignage face à ce monde déchiré, en guerre, ou en manque de respect du vivant. Suivront L’histoire du vent, de Normand de Bellefeuille et Depuis la nuit de France Mongeau (Le Noroît, 18 et 26 février).
Du premier, on n’attendait plus rien depuis son recueil Le poème est une maison désormais inhabitée, titre qui laissait entendre la fin exacte de sa poésie. Or, la maison est emportée par cette « histoire du vent qui passe », comme les mots de la poésie qu’il évoquerait.
Depuis la nuit, la seconde nous convaincra peut-être que « tout ce qu’on croyait injustice noire est devenu particule intime de nos angoisses et de nos rêves ». Il n’y a pas à en douter, il nous faudra un cœur solide pour accueillir cette vive confrontation avec le mal.
Avec ses Mystères (Les Écrits des Forges, 2 mars), Renaud Longchamps ne nous épargnera pas non plus. Le poète se met ici « à la recherche d’un seul sens sacré / qui ne répondra plus à la solitude », s’interrogeant en une belle formule « sur la logique circulaire des cœurs ». Kateri Lemmens nous apprend à Passer l’hiver (Le Noroît, 7 avril), alors qu’elle y raconte « des impasses, des chutes, des épiphanies ».
On y verra peut-être des traits de parenté avec l’Ornithologie (Le Quartanier, 12 mai) de M. K. Blais, composé de versets qu’on dit désenchantés : entre sérénité et acceptation du déclin, même celui des oiseaux.
Nous ravit également ce Nous sommes un corps lointain (Mémoire d’encrier, mars) regroupant cinq recueils, dont deux inédits, de Nathanaël, qui a déjà reçu le prix Alain-Grandbois. Elle a une voix singulière, d’une importance capitale pour la littérature queer, tout comme Sylvie Bérard qui, avec À croire que j’aime les failles (Prise de parole, 25 février), explore également le queer : « peut-être le mot […] qui résume le mieux ce sentiment de ne pas totalement réussir à être comme il faut ».
Enfin, du côté des curiosités, notons Carolanne Foucher avec 2½ (Éditions de Ta Mère, 17 mars), dont on dit que l’« écriture est vive, franche, sensible, remplie d’images en forme de toasts Melba et de gâteaux qui gonflent dans le four »… On craint déjà l’indigestion.
À noter
Les Éditions du Sémaphore fêteront cette année le 100e anniversaire de la naissance de Gilles Hénault. Nous serons à l’affût. Il nous faut aussi souligner que Les Herbes rouges ont enfin entrepris la republication de l’oeuvre de l’immense Josée Yvon. Ainsi, en février, nous arrivera ses Danseuses-mamelouk après ses Travesties-kamikaze.